Un entretien avec Roberto Saviano à lire entièrement ici :
"Depuis la publication de «Gomorra», livre sur la mafia napolitaine, il y a quatre ans, Roberto Saviano est menacé de mort par la Camorra. Mercredi à Bruxelles, il vient de recevoir reçu le prix 2010 du Livre européen, dont «Libération» est partenaire, pour son recueil de textes «la Beauté et l’Enfer» (Robert Laffont). Agé de 31 ans, l’auteur n’a cessé de dénoncer la contamination économique et politique des mafias en Europe. Après la littérature et le théâtre – il était au Théâtre de la Ville à Paris, en juin -, Roberto Saviano vient d’animer, avec le présentateur Fabio Fazio, une série d’émissions à la télévision publique italienne «Vieni Via con Me» («pars avec moi», clin d’œil à Paolo Conte), qui dressent un portrait de l’Italie de Berlusconi.
Votre émission a battu des records historiques d’audience sur la chaîne Rai 3, rassemblant plus de 9 millions de personnes, soit 15% de la population. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Je n’en reviens pas. Il y a eu des pics à 12 millions de personnes, on a battu le record de la rencontre Inter de Milan-FC Barcelone en avril. Je n’arrive pas à expliquer ce qui s’est passé. La situation historique et politique de l’Italie en ce moment a joué pour beaucoup dans ce record. Il y a aussi le fait que des émissions d’approfondissement, de réflexion, d’engagement n’existent quasiment plus en Italie, ou alors elles sont rarissimes et en seconde partie de soirée. Les débats politiques restent très superficiels, au niveau des ragots. Ils sont devenus l’occasion de s’amuser ou d’insulter, de piéger l’adversaire pour le faire tomber. Pour comprendre, les téléspectateurs doivent chercher l’information ailleurs. Ce résultat est donc inimaginable, et je ne crois pas que cela soit de mon fait ni de mon mérite. J’ai fait des monologues et des récits, que j’ai essayé de rendre accessibles à un public de gauche, de droite, du centre. Il s’agit d’alchimie. Je crois que ce sont les faits, les histoires qui ont intéressé les gens.
Vous évoquez «l’importance de la situation historique et politique» du moment. Quelle image avez-vous de l’Italie aujourd’hui ?
Le climat est terrible, dur. Le gouvernement, en réalité, n’existe plus. Il reste debout par opportunité. Les responsables politiques vivent la peur au ventre et n’osent plus bouger, car un climat de vengeance règne au gouvernement. Lorsqu’on affiche les photos des gens qui ont pris position en faveur de Gianfranco Fini[l’ancien allié de Silvio Berlusconi qui a demandé sa démission en novembre, ndlr], quand on livre aux électeurs de la majorité de droite leurs noms, que l’on dit en substance, «ceux-là devront payer [pour leur trahison]», il s’agit bien de vengeance. C’est pourquoi, dans la première émission, j’ai essayé de démonter le mécanisme de la machine qui déverse de la boue. Aujourd’hui dans ce pays, les gens se lancent en politique en déclarant : «Je descends sur le terrain», reprenant à leur compte l’expression que Berlusconi avait employée quand il a commencé à faire de la politique en 1994. Tous utilisent cette expression footballistique détestable qui signifie que l’électeur est un supporteur, un tifoso qui ne participe pas à la vie politique. Il est avec un camp ou l’autre. Dans l’Italie d’aujourd’hui, personne ne décide de faire de la politique s’il n’a pas quelque chose à gagner. Je ne dis pas que le politique doit être une figure mystique, qui ne doit rien gagner, comme s’il sortait tout droit de «la République» de Platon. L’ambition, la volonté de gagner, d’avoir des responsabilités sont évidemment nécessaires. Mais l’ambition doit servir à faire des choses justes, à être un bon ministre de l’Intérieur, un dirigeant de parti, un député, etc.
Le politologue Ilvo Diamanti a écrit, dans «La Repubblica», que vous êtes devenu un leader d’opinion médiatique et politique…
182 – Roberto Saviano – Premio Borsellino 2010
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