Cela se voulait la note d’humour de la journée. Mais elle en dit tellement long sur l’état d’esprit de la commission européenne, et de sa conception de la démocratie. « Les pays européens peuvent se gouverner eux-mêmes, s’ils suivent les recommandations de la commission », lança José Manuel Barroso, en présentant les conclusions de la commission sur la situation économique de la zone euro.
Pour la troisième fois, la commission européenne se livrait à cet exercice. Au vu des résultats économiques de la zone euro, des prévisions encore exécrables de l’OCDE qui promet à l’Europe la récession tout au long de 2013, sa position était attendue. Toutes ses prévisions ont été démenties. La politique conduite en Europe a mené à une crise sans précédent, aboutissant à la plus spectaculaire destruction sociale et de richesses depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
La commission allait-elle en parler ? Pas un mot ne figure sur cette question. Discrètement, elle a confirmé avoir accordé une année supplémentaire aux Pays-Bas et au Portugal, et deux années de plus à l’Espagne, la France, la Pologne et la Slovénie pour revenir dans les clous des fameux 3 % de déficit budgétaire. Elle ne pouvait faire moins : les objectifs étaient irréalistes.
Mais ceux qui voulaient y voir un changement de cap risquent d’être déçus. Rien ne bouge à Bruxelles. La commission reste persuadée de la pertinence de ses analyses. La croyance dans les saintes écritures n’a pas évolué à Bruxelles.
Pour en juger, il suffit de lire ce que Bruxelles écrit sur l’Espagne (l’Irlande, la Grèce, le Portugal et Chypre ayant été mis hors jeu, pour cause de plan de sauvetage européen). Si Madrid s’enfonce dans la dépression, si les déficits et l’endettement du pays sont bien supérieurs à ce qui était prévu, en dépit de toutes les mesures prises par le gouvernement espagnol, ce n’est pas en raison d’erreurs d’appréciation de la commission et de la troïka mais des insuffisances dans la mise en œuvre du plan européen en Espagne. « L'ajustement est en cours, mais l'ampleur des corrections nécessaires implique une action politique forte sur la durée, pour les marchés des produits et des services, le marché du travail, le secteur financier », écrit-elle.
La commission nous replonge dans un univers orwellien. Nous voilà ramenés cinquante ans en arrière, au temps du stalinisme triomphant, où si le communisme échouait, ce n’était pas en raison de sa doctrine mais des insuffisances dans son application. Ancien maoïste, José Manuel Barroso en a gardé la tournure d’esprit : l’important est le dogme, quel qu’il soit, et d’en respecter la prescription à la lettre.
Mettant entre parenthèses la règle d’or des 3 % de déficit, inatteignable pour l’instant, la commission européenne se rabat désormais sur son autre obsession : les réformes structurelles (lire notre article détaillé). Ce sont les « seules susceptibles de ramener la croissance à long terme ». Entre-temps, la commission promet au moins dix ans d’austérité et de difficultés. Qu’importe ! Tous les pays de la zone euro sont priés, sans en référer ni à leur parlement, ni à leur population, de suivre sans tarder ce nouveau catéchisme.
via www.mediapart.fr