L’histoire est belle : fils d’un Peul et d’une Mossie, né à Yako en Haute-Volta en 1949, le futur président, qui voulait se destiner à la médecine, doit se résoudre à rejoindre l’académie militaire après avoir échappé de peu au séminaire. Un stage de formation à Madagascar durant lequel il assiste à la révolution socialiste de mai 1972 scelle son destin. Le jeune et très charismatique capitaine épouse les thèses marxistes, les dépassant même dans une perpétuelle volonté de mettre en pratique la théorie et ne pas rester otage du dogme. En quatre ans, de 1983 à 1987, il apportera à son peuple davantage de progrès, en matière d’éducation, d’agriculture et de santé, que durant un demi-siècle de colonisation française. Sankara est progressiste mais jamais aligné. Il est anti-impérialiste mais refuse l’aide de l’URSS pour un programme agricole. Ce film, qui sort quatre jours avant une élection présidentielle très symbolique et un an après l’éviction de Blaise Compaoré, permet aussi de rappeler quelques vérités que la France et l’ensemble des pays développés n’aiment guère entendre. « La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous payons, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Mais si nous payons, c’est nous qui allons mourir », clame le président burkinabé lors du 25e sommet des membres de l’Organisation de l’unité africaine, à Addis-Abeba en 1987. Nous sommes quelques mois avant sa mort. Une mort dont d’autres images interrogent l’origine. La main blanche que François Mitterrand, alors en visite à Ouagadougou, pose sur l’épaule de son jeune homologue semble le toucher mortel de la Françafrique. Mais Sankara n’est pas dupe et connaît son destin. Dans un entretien radio où on lui pose la question d’un éventuel coup d’État préparé par Blaise Compaoré, il répond tranquillement : « Si c’est le cas, ce sera imparable. Blaise possède des armes contre moi que vous ignorez. » Ce documentaire aux accents certes hagiographiques demeure un document indispensable. Le discours inoubliable prononcé par Thomas Sankara à l’ONU en 1984 reste le dernier grand cri d’une humanité en manque de lumière.
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