Thermidor,la Révolution brisée (3), par Vingtras

10 Thermidor,an II (28 juillet 1794). Sur ordre de Barras, un peloton de gendarmerie commandé par un certain Bourdon, donne l'assaut de l'Hôtel de Ville vers deux heures du matin. Il n'y a plus guère de gardes nationaux pour protéger nos cinq "hors la loi". Augustin Robespierre se jette par la fenêtre. Couthon, bousculé, tombe dans l'escalier et se blesse. à la tête. Un jeune gendarme tire au pistolet sur Maximilien et lui brise la mâchoire inférieure gauche. Quant à Saint-Just, il se laisse appréhender ainsi que Lebas.

Ensuite, tout ira assez vite. Tandis qu'on entoure d'une serviette la tête de Robespierre pour maintenir en place sa mâchoire, les "hors la loi" sont traînés devant le Tribunal révolutionnaire pour un simple "contrôle d'identité" puis ils sont entassés dans la charrette fatale qui va les conduire place de la Révolution, où on a dressé la guillotine* afin d'exécuter "le tyran" et vingt et un de ses satellites.

C'est Georges Couthon qui sera guillotiné le premier, vers 17 heures. Nous allons lui faire un sort car on en parle peu. Il est auvergnat, député du ¨Puy de Dôme. Avocat, comme son ami Robespierre. Il avait peu à peu perdu l'usage de ses jambes et en était réduit au fauteuil roulant. Il s'était illustré à la Convention qu'il avait présidé un moment, en faisant voter l'abolition complète des droits féodaux. Il est membre du Comité de salut public. Il meurt à 39 ans, trois de plus que Maximilien. Le benjamin du "triumvirat", Louis Antoine de Saint-Just n'a que 27 ans.

Les vingt-deux têtes et les vingt-deux troncs seront jetés dans une fosse commune,  au cimetière des Errancis.

Pour achever ce récit de l'une des pages les plus sombres de l'histoire de France, je laisse la plume à Henri Guillemin :

"En trois jours, les 10,11,12 thermidor, 108 exécutions. Le grand nettoyage ; la liquidation complète des "robespierristes". C'est l'odieuse "vertu" congédiée de la vie publique en même temps que ses bondieuseries. [ Dans les manuels d'Histoire à l'usage des écoles primaires, il est indiqué que la disparition de Robespierre marqua "la fin de la Terreur"] La Terreur s'arrête, effectivement ; mais pourquoi ? Parce que Robespierre et les siens disparus, elle n'a plus sa raison d'être. Elle n'était là que pour perdre Robespierre dans l'opinion et le faire haïr aussi bien des pauvres que des riches. Ecartant désormais la machine à décapiter, les opérateurs donnent la preuve, la preuve éclatante, irrésistible, que si la guillotine accomplissait son hideux travail, c'était par la seule et unique volonté du "tyran". De plus, les arrivistes sont arrivés. Enrichis par la vente – la plupart du temps scandaleusement conduite – des biens nationaux, par l'agiotage, par leurs multiples spéculations et par les fournitures militaires surtout, les gagnants de la Révolution (à la Cambon, à la Tallien, à la Barras) se sentent assez nombreux et assez forts pour que leur assise soit désormais solide.

Le 9 Thermidor, c'est le triomphe des honnêtes gens. Déjà, hélas, malgré les avertissements et les efforts de Robespierre, à la place de la féodalité aristocratique s'est installée une aristocratie bourgeoise et financière. Dans les campagnes, une nouvelle génération de fermiers capitalistes continue à exploiter les ouvriers agricoles. La politique financière de Cambon a conduit à une inflation qui ne pouvait être – difficilement – contenue que par le maximum et l'emploi de la Terreur économique. Après Thermidor, le maximum sera supprimé et, dans une atmosphère de décadence et de corruption, les meneurs du jeu ramènent la France à une libre et totale économie de marché. D'où la tragédie de prairial. Le 9 Thermidor, cependant, est considéré par les grands profiteurs comme une victoire imparfaite que viendra bienheureusement compléter, cinq ans plus tard, le 18 Brumaire."*

via blogs.mediapart.fr

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