Où s’arrête le droit et où commence la politique ? C’est la question que se posent les défenseurs de 18 salariés du salon de coiffure New York Fashion, du Xe arrondissement de Paris. Ces sans-papiers, généralement des femmes, ont été exploités, maltraités, sous-payés pendant six mois. Soutenus par la CGT, ils ont eu le courage de faire grève puis de porter plainte, comme les médias l’ont abondamment relayé à la fin de l’année 2014 (voir sous l’onglet Prolonger). Mais selon nos informations, le parquet de Paris a décidé de ne pas renvoyer les gérants des salons devant le tribunal correctionnel pour la qualification la plus lourde, celle de « traite d’êtres humains ». Selon l’inspection du travail, dont Mediapart a pu consulter le procès-verbal en intégralité (lire ici), les éléments étaient pourtant réunis pour un renvoi de ce type, qui aurait constitué une première judiciaire. Mais des considérations d’ordre politique ont visiblement primé. Le système mafieux, à l’œuvre depuis tant d’années dans le quartier, a donc toutes les chances de perdurer.
Le rapport de l’inspection du travail, rendu à l’automne 2014, est pourtant très définitif dans sa formulation : « En conclusion, il nous apparaît que le délit de traite des êtres humains est constitué. » La sentence vient clore une enquête fouillée, qui va au-delà des témoignages publiés dans la presse, et dresse un état des lieux lugubre des pratiques à l’œuvre dans des salons afro du boulevard de Strasbourg et de ses alentours, hyper fréquentés depuis les années 90.
Des salariés du salon de coiffure du 57, boulevard de Strasbourg, à Paris © DR
Même si l'on peut subodorer un système qui touche l’ensemble du quartier, l’enquête se concentre sur le 57, boulevard de Strasbourg. 18 salariés, dont 14 sans-papiers, y ont longtemps travaillé en touchant un salaire de misère. L’inspection du travail s’est rendue sur place et observe : dans le salon, elle découvre « plusieurs enfants en bas âge et des nourrissons », « les salaires particulièrement bas ne permettant pas de les faire garder ».
Au rez-de chaussée, une pièce d’environ 15 m2 pour 8 postes de travail. Au 1er étage, une salle réservée à la manucure, avec des travailleurs d’origine chinoise. Au sous-sol, la coiffure pour hommes. Partout, les « salariés » sont présents de 9 heures à 21 heures, parfois jusqu’à minuit. Ils sont payés à la tâche : sans clients, pas de rémunération. L’inspection du travail a calculé un taux horaire variant de 1,30 à 4,70 euros (contre 9,53 euros brut pour le SMIC), et des émoluments versés sporadiquement.
Pour le reste ? Pas de
via www.mediapart.fr