Supplique pour ne pas être enterré à Sète – Libération

André Cardone, la soixantaine, attend nerveusement. Casquette noire et lunettes fumées, il guette l’arrivée du Stéphane Cardone, le chalutier que son fils a acheté en 1997, mais qu’il ne peut plus mener depuis un accident cardiaque qui lui vaut une inaptitude permanente au travail. Du coup, c’est toujours un peu André qui veille au grain. 17 heures et toujours rien. «S’il rentre tard de la mer, c’est probablement que la pêche n’a une nouvelle fois pas été miraculeuse», désespère-t-il.

17 h 25. Le voilà qui apparaît en bout de jetée. Le temps d’accoster et de décharger les bacs du jour et André, qui fut aussi patron pêcheur de son bel âge, déchante : «A vue de nez, il n’y en a même pas pour 2 000 euros.» Verdict, après la criée : 1 360 euros. Un abysse. Même pas de quoi éponger les frais journaliers du bateau qui, entre gazole, huile et rafistolages des filets, oscillent entre 1 400 et 1 550 euros. Et il ne s’agit pas d’un simple jour sans. Perdre de l’argent est une habitude depuis plusieurs mois.

C’est pourquoi la Commission européenne entame aujourd’hui une négociation devant aboutir, d’ici peu, à un nouveau plan de pêche dit «durable». Stéphane, le fils d’André, qui gère la comptabilité du bateau, espère que la montagne n’accouchera pas d’une souris. sous peine de «s’en aller définitivement par le fond». Entendre : finir sur la paille. «Depuis le début de l’année, je perds environ 4000 euros par semaine. Tous mes comptes sont à découvert. Mon banquier m’a dit qu’il allait vite falloir arrêter ce petit jeu», confie-t-il, abattu.

Urgence. Mais pour se refaire, encore faut-il que le gazole cesse de tutoyer les cimes. Cette semaine, il affiche 0,66 euro le litre. Soit 14 centimes de plus qu’en 2007, lorsque les pêcheurs du Guilvinec (Finistère), remontés comme des pendules, avaient poussé Nicolas Sarkozy à annoncer des mesures d’urgence. A l’époque, les patrons bretons avaient évalué le risque de faillite à 0,30 euro/litre. Au-delà de ce seuil, les bénéfices de la pêche ne suffisaient plus à payer décemment le personnel. Le gouvernement avait alors pris l’engagement, via un fonds spécial, de prendre en charge l’excédent jusqu’à ce que le prix du brut retombe. Problème : les millions débloqués ont été liquidés en un peu plus d’un an et, comme il en a toujours été question sur demande de Bruxelles pour des raisons d’entrave à la concurrence, il va falloir rembourser… Avec des intérêts ! Pour Stéphane Cardone, c’est impossible. «Le crédit

via www.liberation.fr

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