Steven Spielberg : «Une figure presque déifiée de l’histoire américaine» – Libération

Venu à Paris mi-janvier pour la promotion de Lincoln, Steven Spielberg s’est montré incollable sur la guerre de Sécession, mais aussi très calé sur l’éclairage public parisien. «C’est rare toute cette neige à Paris, non ?» On est à deux doigts de lui présenter des excuses pour la médiocrité de l’accueil climatique, mais il s’agit d’autre chose. «Je suis venu à Paris dans les années 70. Il avait neigé et c’était magnifique, surtout la nuit. A l’époque, les lampadaires au sodium projetaient une lumière jaune surréaliste, comme sur une planète inconnue. Si on voulait faire un film sur Paris dans ces années-là, il faudrait recréer cette étrange lumière jaune.» Merci pour le tuyau.

Quelle était votre première idée ? Un film sur le personnage de Lincoln ou sur la douloureuse fin de l’esclavage ?

Il y a longtemps que je voulais faire un film sur la guerre civile… Puis, à l’occasion des célébrations du millénaire, j’ai travaillé avec un groupe d’historiens, de chercheurs et d’universitaires parmi lesquels Doris Kearns Goodwin. Lors d’une pause, elle m’a appris qu’elle écrivait un livre sur Lincoln et, immédiatement, j’ai vu que cela pouvait être la base d’un film. Or, à l’époque, elle n’avait écrit qu’un ou deux chapitres et, en attendant que son ouvrage soit terminé, j’ai décidé de créer un scénario original axé sur la guerre et certaines grandes batailles, comme Manassas ou Gettysburg. Mais c’était plutôt superficiel sur la vie de Lincoln, dans le sens où il était davantage question du chef de guerre que de l’être humain.

Vous avez donc changé d’avis ?

Plusieurs éléments m’en ont convaincu : le manuscrit de Doris, dont j’avais lu les huit ou neuf premiers chapitres, et le fait que Daniel Day-Lewis, mon tout premier choix pour incarner Lincoln, accepte le rôle. Auparavant, il avait décliné parce qu’il se sentait intimidé par le personnage. J’ai donc pris la décision de faire le film sur le personnage pour façonner à échelle humaine une figure presque déifiée de l’histoire américaine. Pour savoir qui était Abraham Lincoln comme président, homme, père ou mari ?

Après la Couleur pourpre et Amistad, c’est la troisième fois que vous abordez la question de la condition des Noirs en Amérique. Faut-il voir cette fois un rapport avec la présidence de Barack Obama ?

C’est une coïncidence. Si [le scénariste] Tony Kuschner avait rendu son script en 2006, pendant l’administration Bush, et si Daniel Day-Lewis avait accepté le rôle, le film aurait été fait à ce moment-là. Le seul choix que j’ai eu à faire, c’était de ne pas autoriser Dreamworks, ma compagnie, et la Fox de distribuer le film pendant les élections. Cela aurait été perdu dans le flot des sondages et des débats.

Lincoln reste toujours une icône ?

Je crois que Lincoln a été si célèbre dans l’histoire américaine qu’il a fini par disparaître partiellement du panorama politique et culturel. Parfois, quand vous êtes trop célèbre, vous cessez d’exister. Cela présentait un risque, parce que peut-être que je faisais fausse route, que j’ignorais quelque chose à son propos, une raison obscure qui décourage Hollywood depuis plus de soixante-dix ans, car la dernière grande apparition de Lincoln dans un film était celle de Raymond Massey [dans Abe Lincoln in Illinois, de John Cromwell, en 1940, ndlr].

Dans le film, vous montrez que la volonté politique peut être plus puissante que les forces économiques. Faut-il y voir un message ?

Les forces économiques étaient effectivement très partisanes de l’esclavage. L’économie du Sud dépendait pour beaucoup de la servitude involontaire, et la hiérarchie sociale de ces Etats était plus proche de l’Angleterre que des Etats du Nord de l’Amérique. Cette question de l’esclavage est devenue une sorte de test pour l’apprentissage de la jeune démocratie qu’était alors l’Amérique. Or un homme, influencé par beauc

via www.liberation.fr

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