Salem: « Lutter pour de belles causes, c’est déjà le chemin du bonheur » | L’Humanité

Philosophe, professeur à la Sorbonne, animateur du séminaire « Marx au XXIe siècle », Jean Salem est aussi le fils d’Henri Alleg, l’auteur de « la Question », emprisonné durant la guerre d’Algérie. Arrivé, comme il le dit, à l’âge des « anecdotes », le philosophe épicurien livre dans son nouvel ouvrage ses réflexions sur l’état du monde, la dégénérescence des gauches en Europe, mais aussi ses propres passions intellectuelles. Il juge aussi avec sévérité les évolutions de son parti, le PCF, ces trente dernières années. Jean Salem ne se sent pas obligé d’être optimiste dans une époque qu’il qualifie de décadente. Mais il propose des voies pour construire un bonheur durable. Entretien.
HD. Vous avez choisi la forme d’un entretien pour ce nouveau livre. Pourquoi ?
Jean Salem. Peut-être à cause du penchant narcissique à raconter sa vie… et au fait que je suis arrivé à l’âge de l’« anecdotage ». Ça a aussi été une proposition d’Aymerick Monville, mon éditeur.
 
HD. En dehors de l’âge des anecdotes, la période tourmentée que nous traversons a-t-elle justifié la publication de ce livre ?
J. S. J’ai écrit un certain nombre de livres : sur le bonheur, sur Lénine, le matérialisme antique, Maupassant… Et outre de multiples voyages universitaires, depuis cinq ou six ans, j’ai fait beaucoup de voyages « académicopolitiques » ou de militant. En Corée du Sud notamment, où je travaille avec des camarades dont le parti a été interdit en décembre 2014 (le Parti progressiste unifié, marxiste – NDLR). Durant ces trente dernières années, on nous a expliqué que l’Union soviétique, c’était pire que le nazisme. Que de notre histoire à nous, les communistes, nous ne pourrions qu’avoir honte. Aujourd’hui, avec le séminaire sur Marx que j’anime à la Sorbonne depuis 2005, je vois revenir l’intérêt pour le marxisme alors que les étudiants avaient tendance à poser leur stylo lorsqu’on l’évoquait… J’observe en même temps un regain militant au sein du PCF, notamment la création de cercles de jeunesses communistes très actifs. Issu d’une famille qui s’est réfugiée en Union soviétique, mais ayant été peu élevé par mes parents du fait des années de clandestinité et d’emprisonnement de mon père, j’ai été aussi influencé par la partie de ma famille qui n’était pas communiste, qui estimait merveilleux qu’Israël existe. J’ai pensé que ça pouvait servir à comprendre qu’arriver au communisme, aux idées justes, est un cheminement : on enlève des oeillères, on oublie sa tribu et ses soi-disant racines… Le « cinéma » identitaire court les rues. Et on manque d’organisations qui fédèrent tout le monde sur des idées générales et pas sur la basquitude, la corsitude… Je ne suis pas contre ces revendications, mais on s’est égaré dans une telle fragmentation de revendications parcellaires, de victimisations, que la pensée unique n’a plus de mal à nous dominer tous.
 
« SI ON OBSERVE UN REGAIN MILITANT AU SEIN DU PCF, IL NOUS FAUT UNE ORGANISATION DE COMBAT POUR LE RENFORCER. »
 
On doit beaucoup de choses à Robespierre, à la révolution soviétique, et on doit encore plus de choses à l’histoire du mouvement ouvrier au XXe siècle. On va droit dans le mur si on ne rappelle pas ces hauts faits.
 
HD. Vous êtes en accord avec l’essai écrit par Domenico Losurdo sur « l’autophobie des communistes » à la fin du XXe siècle, que vous citez (1). Vous consacrez un passage à ceux que vous qualifiez de « liquidateurs » du PCF da

via www.humanite.fr

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