Retraites, à 57 ans, un texte de Jean-Jacques Chevigné et un entretien avec Liem Hoang Ngoc

"17 ans de contre-réformes

L’offensive de la droite et du patronat a commencé en
1993, en plein mois d’août lorsqu’Edouard Balladur et Simone Veil firent
voter leur loi contre le système de retraite par répartition du secteur
privé. La durée de cotisation passait de 37,5 à 40 annuités. Le calcul
du salaire de référence servant au calcul de la retraite s’allongeait
des 10 aux 25 meilleures années. Le montant des retraites n’était plus
indexé sur les salaires mais sur les prix. En 1994 et 1996, le patronat faisait subir aux retraites
complémentaires du secteur privé une régression de même ampleur que
celle qui avait été imposée aux retraites de base par la loi
Balladur-Veil. Au total, les réformes de 1993 et 1994-1996,
entraineront mécaniquement une diminution de 20 points (de 78 % à 58 %
du salaire moyen net) de la retraite moyenne des salariés du secteur
privé, entre 1996 et 2030. Tous les effets de ces contre-réformes ne se
sont donc pas encore fait sentir, loin de là. (…) C’est le point aveugle de tout débat sur les retraites.
Jamais cet aspect déterminant de l’avenir économique n’a pu être
publiquement débattu. Le Medef, le gouvernement tirent des plans sur la
comète en oubliant cette donnée essentielle. Ils raisonnent (tout haut)
comme si la richesse de notre pays n’allait pas évoluer au cours des 40
prochaines années et que c’est donc à richesse constante qu’il faudrait
financer une augmentation de 63 % du nombre de retraités. Ils raisonnent
(tout bas) en espérant que les profits pourront capter la partie de ces
nouvelles richesses qui auraient dû revenir aux retraités. Pourtant, dans les 40 années à venir, avec un taux de
croissance moyen de 1,7 % par an, la richesse de notre pays aura doublé
en 40 ans : de 1700 milliards d’euros environ à 3 400 milliards d’euros.
Et il s’agit d’euros réels, une fois neutralisé l’inflation et donc
d’une véritable augmentation de richesse, une augmentation considérable.

"Sur un éventuel allongement de l’âge de départ à la retraite, Martine Aubry a estimé, dimanche sur RTL, qu’«on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans». Que pensez-vous de la position prise par la première secrétaire du PS?

"Cette déclaration est d’autant plus surprenante qu’elle n’a pas été
discutée par les instances du parti et ne correspond pas à la position
définie dans la motion de synthèse (Reims, novembre 2008, ndlr) à
partir de laquelle Benoît Hamon (porte-parole du PS), moi-même et
d’autres de sa motion, avons choisi d’entrer dans la direction. Du
coup, la droite du parti, plutôt favorable, elle, à un recul de l’âge
de départ à la retraite, s’est engouffrée dans ce malentendu. Et puis, il y a actuellement une forte pression idéologique et
politique en Europe pour allonger la durée de cotisation et réduire le
périmètre des dépenses sociales de santé. La Commission européenne
invite ainsi ses Etats membres à engager des «politiques de sortie» le plus rapidement possible et donc à réformer leurs systèmes de retraites, dont elle considère qu’ils compromettent «la viabilité de long terme des finances publiques»."

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