« Ce projet vise à constituer par les voies du livre et d’internet l’équivalent d’un parlement des invisibles pour remédier à la mal-représentation qui ronge le pays. » En lançant, en cette rentrée de janvier, Raconter la vie, à la fois collection d’ouvrages et site internet participatif, Pierre Rosanvallon, historien et professeur au Collège de France, espère démarrer un projet « moral et social ».
En effet, selon lui, le projet cherche « à sortir le pays de l’état inquiétant dans lequel il se trouve », et contribuera « à faire reculer les idéologies de l’identité et du repli sur soi qui fondent la montée en puissance des populismes et du racisme ». Le titre choisi par Rosanvallon, Le Parlement des invisibles, pour le manifeste de ce projet, assume ouvertement de reprendre à Marine Le Pen un terme qu'elle avait confisqué à son profit, notamment lors d'un meeting donné à Hénin-Beaumont en avril 2012.
© Eric Dillies (FN)
Avec ses propres livres, les petits ouvrages collectifs qu’il publie déjà aux PUF en coédition avec le site La Vie des idées, sa collection d’essais amples, Les Livres du Nouveau Monde, au Seuil, qui ont, en particulier, accueilli récemment Le Capital au XXIe siècle, de Thomas Piketty, succès éditorial et bulldozer politique, et surtout La République des idées, Pierre Rosanvallon ajoute ainsi un nouvel étage à sa force de frappe intellectuelle, politique et médiatique.
Cette « entreprise indissociablement intellectuelle et citoyenne » veut combler le déficit de représentation de pans entiers de la société française, dans les deux sens du terme : « Exercer un mandat et restituer une image. D’un côté, un sens procédural, de l’autre, un sens figuré. » Pour lui, « l’invisibilité a un coût démocratique » de plus en plus fort, et « plus de visibilité et de lisibilité » devrait conduire « à rendre la société mieux gouvernable et mieux réformable ».
Si la coupure entre la société et les élus censés la représenter s’est creusée, Pierre Rosanvallon précise toutefois que « le sentiment d’impuissance que beaucoup d’hommes et de femmes ressentent tragiquement aujourd’hui n’a pas simplement pour origine une démission paresseuse du politique. Il naît également de la résistance de la réalité aux vieux concepts avec lesquels on l’appréhende ».
En effet, la difficulté de représenter politiquement la société tient aussi « à la nature même de la société moderne. S’il était aisé de représenter des ordres, des classes ou des castes – structures sociales et institutions formelles se superposaient alors –, comment représenter une société d’individus ? » s’interroge le professeur au Collège de France.
Pierre Rosanvallon en 2009
Cette question se situe au
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