Une
étrange maladie touche de plus en plus de responsables de gauche. Les grands
candidats aux primaires socialistes en furent très atteints: la résignation.Jamais encore depuis que la Révolution française fit naître sur notre
sol la pensée de l'émancipation sociale, y compris lors de situations
historiques bien pires que la nôtre, où les campagnes et les villes françaises
offraient aux regards l'abattement de la misère et de la tristesse, la gauche officielle n'avait semblé aussi
impuissante.Austérité budgétaire, fin des marges de manœuvre, appel aux sacrifices…
Ces autoproclamés progressistes raisonnables et crédibles semblent, comme leurs
adversaires conservateurs, appeler à soutenir un siège terrible. Certes, le
consensus politico-médiatique retrouve, avec les moyens ultramodernes de la
révolution numérique, l'ancestrale rhétorique du millénarisme médiéval: chute
des bourses déchues, abyssales dettes publiques expliquées par un mode de vie
trop généreux, appel aux responsabilités et aux réalités. Nous avons tous
péché, Dieu doit nous punir par le feu de Sodome pour avoir mis en danger notre
note AAA.N'en déplaise aux amants de la deuxième gauche de M. Rocard, de la
troisième voie de M. Blair ou de la quatrième dimension de Terra Nova, ces
appels aux flagellations ne sont nullement fondés.C'est une vieille lubie de la droite et du centre que de s'acharner à
faire de la morale pour faire croire à une compétence. Pour lutter contre
l'instabilité budgétaire, les conservateurs proposent toujours, en plus de la
préservation des politiques fiscales causes de l'instabilité, la
constitutionnalisation de l'interdiction d'emprunt. Les néo-conservateurs américains
d'inspiration monétariste faillirent l'imposer aux Etats-Unis; le prix nobel
d'économie Joseph Stiglitz raconta depuis comment il réussit avec le Président
Clinton à obtenir son échec. Une dette raisonnable, en effet, mobilise une
épargne qui resterait oisive pour financer des dépenses ayant un effet sur la
croissance: elle est une arme fondamentale contre les récessions et
l'investissement des entreprises lorsqu'il est déprimé. Contre paiement financé
par l'impôt, une épargne qui serait improductive finance les services publics
et soutient l'économie. Les projets des conservateurs entendent bloquer un
transfert de revenus vers le champ public, d'une manière comparable aux
réformes fiscales. Si trop s'endetter est dangereux, s'interdire d'emprunter
est absurde. Et s'interdire d'emprunter pour les services publics par ceux-là
même qui rendirent la dette abyssale, c'est ubuesque!Le projet de réforme constitutionnelle de 2008 avait déjà proposé un
équilibre budgétaire intégré à une programmation pluriannuelle. C'était un gage
donné à l'Union européenne pour répondre aux critiques des autres pays inquiets
devant l'irresponsabilité de la politique budgétaire française de cadeaux
fiscaux. Quant à la fameuse règle d'or, elle signifiait que la dette publique
ne pouvait financer que les dépenses d'investissement mais pas les dépenses de
fonctionnement. Le projet était et reste hors sujet, les dépenses publiques de
fonctionnement, en pourcentage des dépenses de l'Etat, ayant baissé en 25 ans
alors que la dette a augmenté de plusieurs dizaines de points. Ces projets
visent à faire oublier la responsabilité de la politique fiscale, donc à ne pas
prévoir sa réforme.Voter la constitutionnalisation de la règle d'or ou des limites aux
déficits, c'est donc absurde! Et ce devrait être le rôle de la gauche de
déchirer ce voile d'ignorance, patiemment tissée par les puissants, pour que le
peuple distingue la vérité de la propagande. Jaurès, Léon Blum et François
Mitterrand surent le faire, en opposant patiemment, à chaque mensonge moraliste
de la conservation, l'audace volontaire de l'action!Mais non, à gauche aussi désormais, nous avons nos Barre, nos Pinay,
nos Giscard, nos Raffarin, nos «honnêtes gens
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