Ecrire un livre sur la France au travail quand on dirige le deuxième syndicat de France. La démarche est légitime, et pourtant inhabituelle. Un peu risquée aussi, car le secrétaire général de la CFDT s'expose immanquablement à la critique. «Tiens, Chérèque découvre enfin la France du travail», pourront dire certains.
Surtout ceux chez qui le secrétaire général de la CFDT, jugé trop réformiste par une partie du monde syndical, provoque de récurrentes crises d'urticaire. La "trahison" de 2003, lorsque Chérèque a donné son aval à la réforme Fillon des retraites, reste dans bien des têtes. La CFDT a d'ailleurs payé le prix de ce flirt avec le pouvoir, et vu filé des dizaines de milliers d'adhérents. En 2010, lors de la dernière réforme, Chérèque n'a d'ailleurs pas renouvelé l'erreur, et a fait (un temps) front commun avec la CGT.
Pour cette rentrée pré-présidentielle, où la crise continue de miner la France sur fond d'austérité, François Chérèque a concocté un livre assez inattendu. Il est juste allé rencontrer la France du travail. «Une démarche de journaliste», explique son service de presse. Ce genre d'ouvrage est évidemment un exercice de communication. L'occasion d'exprimer un ou deux mea culpa, de peaufiner une image, de lancer quelques phrases bien senties contre le chef de l'Etat ou ses ministres (cf. plus bas). Mais le pari est tout de même assez réussi.
Le livre est à la première personne. La mise en scène est parfois un peu appuyée, donnant l'impression que le patron de la CFDT va de découvertes en surprises au contact des "vrais gens" qui travaillent. Le parti-pris est assumé, avec un peu de naïveté sans doute. En 225 pages, le patron de la CFDT nous emmène donc à la rencontre de salariés. II rencontre les conseillers de Pôle emploi, déboussolés par une réforme «franchement ratée» — la CFDT était favorable à la fusion ANPE-Unedic, rappelle-t-il, mais «la mise en oeuvre n'a pas été à la hauteur du projet». Il visite les employés de l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine Saint Denis) en sous-effectifs qui lui racontent leurs galères, sur fond de réduction des services publics et de «désorganisation du système de soins». Chérèque discute avec les ArcelorMittal de Montataire, ou encore de jeunes précaires enchaînant les petits boulots.
Le syndicaliste ne cache rien de ses étonnements, de son malaise parfois, comme lors de cette visite à la préfecture de Bobigny au petit-matin, devant laquelle se presse déjà une file immense de gens «de toutes origines», dont des bébés en bas âge: «Je dépasse la foule pour entrer dans le bâtiment. J'ai beau m'efforcer d'être discret, je suis mal à l'aise, ce trajet me paraît interminable. Certains semblent me reconnaître. Que vont-ils me demander, que vais-je leur répondre? Je baisse les yeux. Une odeur d'urine plane, les corps fatigués n'en peuvent plus. Les malaises sont devenus quasi quotidiens et la venue des pompiers est devenue habituelle.»
Il ne cache rien non plus de ces préjugés, notamment vis-à-vis des agents de la RATP (dont la section CFDT avait mené la fronde contre lui en 2003): «Je n'avais pas une vision des plus objectives sur les salariés de ce grand service public (…) J'ai parfois un peu cédé dans mon for intérieur au cliché des "nantis": certes, leurs conditions de travail sot parfois difficiles, mais tout de même ils ont la retraite à cinquante ans! Cette image est en réalité assez dépassée. Comme beaucoup de salariés, les agents de la RATP ont vu leurs droits sociaux évoluer. Et nombre d'entre eux ont été recrutés à d'autres conditions».
A l'abattoir de Vitré (Mayenne), il s'interroge sur la reconnaissance du travail. «1800 euros par
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