Pour Eric Halphen, rien n’a changé avec la police politique du gouvernement – Libération

Les cabinets noirs, l’ancien juge d’instruction Eric Halphen sait de quoi il en retourne. Durant son enquête sur les HLM de Paris, qui mettait en cause Jacques Chirac, il a été leur cible. Une expérience qu’il racontait dans Sept ans de solitude (2002, Denoël). Il est aujourd’hui juge d’instance à Paris.

«Je tombe des nues que les gens tombent des nues quant au fait que les juges et les journalistes puissent faire l’objet soit de pressions soit de surveillance de la part du pouvoir. Sous la Ve République, cela s’est toujours fait et cela se fera toujours tant qu’on ne s’attaquera pas à la police politique du gouvernement. Qu’elle s’appelle aujourd’hui DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur, ndlr], Renseignements généraux hier, ou plus simplement barbouzes dans les années 50…

«Elle est toujours utilisée pour défendre les intérêts particuliers des dirigeants. De 1994 à 2001, alors que j’enquêtais sur le RPR, les RG m’avaient en ligne de mire. Ils voulaient savoir en temps réel comment mon enquête avançait, qui je rencontrais et qui étaient mes informateurs. Et ils cherchaient les moyens d’avoir prise sur moi, au cas où… J’ai lu des notes blanches qu’ils ont rédigées à mon sujet. Mon téléphone était sur écoute, et on ne le cachait même pas ! A plusieurs reprises, alors que je conversais avec un interlocuteur, j’ai entendu une voix inconnue qui intervenait et participait à notre conversation. J’ai aussi trouvé des mots sur mon pare-brise, m’indiquant qu’on m’avait suivi alors que j’allais voir un match de foot avec mon fils. Après coup, un journaliste a admis m’avoir filé pour le compte d’officines liées aux RG. C’est d’ailleurs une constante de leur manière de faire. Les enquêtes les plus sensibles sont sous-traitées à des anciens des services qui ont monté des "sociétés de surveillance".

«Pour me déstabiliser, ils n’ont pas hésité à utiliser ma vie privée. Des photos de ma compagne journaliste et de moi-même, prises alors que nous étions en vacances, ont circulé dans les rédactions. Heureusement, aucun journal ne les a publiées. Et puis il y a eu la provocation faite à l’encontre de mon beau-père, Jean-Pierre Maréchal [objet d’une tentative de corruption de la part de Didier Schuller, alors conseiller général des Hauts-de-Seine]. La manœuvre a fonctionné : j’ai été dessaisi d’une partie de mon dossier et j’ai dû arrêter d’enquêter sur le département.

«Quand je vois ce qui se passe aujourd’hui, je me dis que la situation n’a pas changé. Certes, la loi interdit maintenant d’espionner un journaliste pour découvrir ses sources. Mais croyez-vous que dans les années 90, il était autorisé d’écouter un juge ?»

via www.liberation.fr

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