Philippe Pichon, 44 ans, était entré dans la police en 1991 comme «officier de paix» pour «faire chier» ses parents. Fleuristes-décorateurs en banlieue parisienne, ces derniers avaient d’autres ambitions pour leur khâgneux de fils. Pour la famille, on ne sait pas, mais pour ce qui est de la hiérarchie policière, c’est réussi. Mis à la retraite d’office en mars 2009 pour violation du devoir de réserve, cet ex-commandant, décrit comme «brillant» par ses anciens collègues, comparaitra le 10 septembre 2013 devant le tribunal correctionnel de Paris pour «violation du secret professionnel, accès frauduleux à un système informatisé et détournement d'informations à caractère personnel». Devant la 17e chambre, celle des libertés publiques qui juge les délits de presse et les affaires policières.
Philippe Pichon, août 2013.© LF
C’est précisément par la presse que le commandant Pichon chut. Le 6 octobre 2008, Backchich publie les fiches Stic (système de traitement des infractions constatées,ndlr) de deux «potes de Sarkozy», Jamel Debbouze et Johny Halliday fournies par Philippe Pichon à son ami Nicolas Beau, directeur du site d’information. Retapées et «expurgées» des passages les plus diffamants selon Nicolas Beau, les fiches, longues comme le bras, répertorient des faits remontant à 1967. Alors que la durée de conservation légale est limitée à 40 ans pour les infractions les plus graves et 20 ans pour les délits. «Suite à ces révélations, le fichier Stic devait s’effondrer comme un château de cartes, provoquant un véritable séisme dans le monde de la flicaille, écrit Philippe Pichon en septembre 2010, dans un livre coécrit avec le sociologue Frédéric Ocqueteau (Une mémoire policière sale, JCG). Ce serait un formidable débat public, j’en étais sûr. Et puis, finalement rien. Rien avant ma propre mise en cause…»
Pour l’ex-fonctionnaire, il s’agissait d’une utime tentative dans son combat contre le Stic, ce méga fichier des antécédents judiciaires de la police qui fiche aujourd’hui plus de la moitié de la population française (6,7 millions de mis en cause au 1er octobre 2012 et 28,3 millions de victimes au 2 décembre 2008).
Nommé adjoint au chef de service du commissariat de Coulommiers (Seine-et-Marne) en 2005, l’officier est chargé de lui rendre compte du fonctionnement du système Cheops, le portail d’accès aux fichiers de police. Il s’aperçoit que «le volume de consultation ne correspond en rien à l’activité judiciaire» du petit commissariat. Coulommiers, c’était «quatre ou cinq garde à vue par jour et 40 à 50 consultations du Stic !». «Le fichier était utilisé par les agents pour obtenir les coordonnées de la blonde contrôlée dans un cabriolet, ou encore à la demande du président de l’office HLM, du maire adjoint chargé de la sécurité, et du député maire Guy Drut lui-même pour repérer les dissidents». Sans oublier, ajoute-t-il, les fiches qui «alimentaient les journalistes locaux».
Philippe Pichon consigne les illégalités constatées dans un rapport remis début 2007 à son chef de service «qui en fait un classement vertical», puis en désespoir de cause au procureur de la République. Soit un article 40 en bonne et due forme, «un fait rarissime dans la police nationale». «Le parquet a fait une note pour demander une remise dans la légalité, qui a elle aussi fi
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