David Vann: «L’Amérique fabrique les meurtriers de masse, dans sa culture même» – Bibliobs avec Le Nouvel Observateur

Le meilleur livre de David Vann n'est pas encore sorti en France. Aux Etats-Unis, il est bien sorti mais il n’a pas marché. Il raconte l’histoire de Steven Kazmierczak, un jeune homme dérangé qui, le 14 février 2008 entre 15h05 et 15h11, a pénétré dans la Northern Illinois University armé d'un fusil à pompe Remington calibre 48, d'un Glock, d'un Sig Sauer 9 mm et d'un petit pistolet de rechange. Il a abattu cinq personnes, en a blessé vingt et une, puis s'est suicidé.

Dans «Last Day on Earth» («Dernier jour sur terre»), David Vann a tenté de raconter son histoire. Le résultat est un avatar hypnotisant de «De sang-froid», infiniment plus dérangeant que son modèle. David Vann n'y adopte pas la position surplombante de Truman Capote. Il commence comme ça: «Après le suicide de mon père, j'ai hérité de toutes ses armes. J'avais 13 ans.» Il raconte comment, paria solitaire et martyrisé dans son collège, il se consolait en imaginant qu'il effaçait ses bourreaux au Magnum. Comment il prenait plaisir à viser les passants dans la lunette de son fusil depuis le jardin familial. Comment il aurait pu devenir un Steve Kazmierczak.

En France sort «Impurs». Après l'Alaska de «Sukkwan Island», où son père s'est donné la mort, et avant «Last Day on Earth», Vann situe son roman dans la fournaise d'une ferme en Californie, autre frontière de pionniers. Une famille repliée sur elle-même, inspirée de celle de sa mère, se désagrège lentement. La violence américaine est ici aussi à l'œuvre: celle du grand-père, immigrant alcoolique et reclus qui cognait la grand-mère.

On finit par comprendre que le grand sujet de David Vann, c'est la haine de l'Amérique. Il en est parti. Il enseigne la littérature en Angleterre, vit entre la Nouvelle-Zélande et la Turquie. Et passe parfois par la France. On en a profité pour le rencontrer.

David Caviglioli

Le Nouvel Observateur En France, vous entrez peu à peu dans la catégorie des «grands romanciers américains».

David Vann Je dois beaucoup à la France. C’est d’ici que tout est parti. Aux Etats-Unis, mon premier livre n’avait pas été lu, jusqu’à ce que je rencontre du succès en Europe. Ca a été une surprise énorme. Maintenant que j’en sais plus sur la France, ce n’en est plus une. La France est le meilleur pays pour la littérature, grâce à vos librairies. Elles rendent possible l’intérêt des journaux. Aux Etas-Unis, les librairies et les journaux qui s’intéressent au roman disparaissent. Il y a toujours des endroits solides, comme le «New York Times» ou la «New York Review of Books». Mais peu. La meilleure presse est en Angleterre. Un de mes romans a fait l’objet d’une critique dans la «London Review of Books», un long article incroyable, extrêmement documenté, quasiment universitaire.

Dans «Last Day on Earth», vous enquêtez sur Steve Kazmierczak, mais vous partez de votre propre expérience. Vous dites en quelque sorte: nous pourrions tous être ce jeune homme.

J’ai essayé de le relier à ma vie et de me demander : pourquoi n’ai-je pas fait ce qu’il a fait ? Comment en est-il arrivé là ? En explorant ce qui, dans son parcours, l’a poussé vers ce moment, je n’ai rien trouvé qui rende son crime inévitable. Il aurait pu choisir de ne pas le commettre. Et d’ailleurs, avant de passer à l’acte, il est resté assis plusieurs minutes dans sa voiture et il a failli ne pas y aller. Mais les reportages sur lui ont immédiatement pris le parti d’en faire un monstre. C’est ce que les Américains veulent croire.

Prenez le film «We Need to Talk About Kevin» (Lynne Ramsay, 2011). Le Kevin en question tue ses camarades de lycée avec un arc à flèches. C’est un choix très important: les Américains sont dans le déni total en ce qui concerne le rôle des armes à feu. Ca a ch

via bibliobs.nouvelobs.com

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moustik2
moustik2
11 années il y a

Steve Kazmierczak et David Vann ont environ 25 ans de différence et pourquoi relier c ette écart dans le temps pour dire que l expérience de David Vann ne peut se relier malgré l expérience comme une emprunte qui définirait la non probabilité de la possibilité , l image dans la société évolu et David Vann ne fut pas confronté ou éxposé aux mémes images que véhicule nos sociétés ,le temps qui la constitué n est pas celui qui a constitué Steve Kazmierczak ,on ignore ce que l on ne peut avoir vu pour fabriqué sa conscience inconsciente ,l illusion peut prendre possession de la conscience qui n a pas eu ce temps de maturer ses éxpériences ,l illusion peut créer un grand désespoir ,un homme qui n est pas construit est fragile dans son désespoir ,il faut bien savoir que la pire des peurs n est pas la mort qui est un résultat ,la pire des peurs se trouve ailleur et l esprit la fabrique dans son irrationnel « normal » comme une réponse a ses divagations , l esprit qui n entre pas dans la tourmante est une intégrité de conscience qu il peut faire subir aux autres ,la mort n est que la fin de la vie ,le poéte dans ses vers peut fantasmer ses ambitions ,l étre subtil n est plus , la mort peut emporter des richesses non créer ,peut étre l insconcient de David Vann savait qu il avait encore à faire

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