Pays convalescent, pouvoir évanescent, Edwy Plenel – Page 2 | Mediapart

Une posture ne fait pas une mobilisation, pas plus qu’une attitude ne tient lieu de programme. Car le crédit de la « présidence normale » n’est pas illimité. Il l’est d’autant moins que le vote dont ont bénéficié François Hollande et son parti ne fut pas majoritairement d’adhésion, mais plutôt de refus (du sortant) et d’attente (du changement). A cette aune, les trois premiers mois du quinquennat s’achèvent sur une déception. Certes, le gouvernement s’est mis sérieusement au travail, et des mesures heureuses ont été prises, notamment fiscales et scolaires (lire ici le bilan dressé par Matignon). Mais, comme l’ont illustré un discours de politique générale sans ampleur du premier ministre et une session parlementaire extraordinaire sans ordre du jour mobilisateur, tout se passe comme si le nouveau pouvoir avait oublié la société. Oublié de lui parler, de la motiver et de la rassembler.

Sauf à d’emblée concéder du terrain à ses adversaires, et donc à renier les idéaux dont elle se réclame, l’épreuve du pouvoir pour la gauche ne peut être qu’un exercice permanent de pédagogie et de mobilisation. Car elle aura toujours contre elle les vulgates dominantes aux innombrables relais médiatiques, tous ces préjugés, fausses évidences et automatismes de pensée qui essentialisent en réalités immuables des intérêts minoritaires, faisant passer en contrebande les injustices et les inégalités qui les garantissent. Et cela n’a pas manqué : à peine étaient-ils installés que les nouveaux gouvernants ont vu ces intérêts de classe se rappeler bruyamment à leur (bon et mauvais) souvenir, avec une conscience aiguë des rapports de force.

En avant-garde des milieux patronaux, le groupe PSA a été chargé d’imposer à la gauche de gouvernement le marché de dupes habituel des milieux économiques : assumant une brutalité sociale qu’il remisait ou édulcorait quand la droite était aux affaires, il la somme de faire passer auprès des classes populaires une destruction d’emplois sans précédent dans un département socialement emblématique, la Seine-Saint-Denis (retrouvez tous nos articles dans notre dossier: Social, l’état d’urgence). Tandis que les dirigeants des syndicats de salariés étaient occupés à prendre leur marque auprès d’un pouvoir soucieux de respecter les corps intermédiaires et de relancer le dialogue social, tous les secteurs économiques et financiers potentiellement ébranlés par les promesses de la campagne prenaient le circuit court du lobbying pour faire valoir leur puissance et, donc, leur capacité de nuisance.

C’est ainsi que les banquiers, avec le secours du gouverneur de la Banque de France se faisant leur porte-parole, ont tout fait pour retarder le doublement du plafond du Livret A destiné à soutenir le logement social, à aider l’épargne populaire et, surtout, à la protéger de la spéculation. Les pétroliers ont fait de même qui ont imposé, en pleine période de vacances et, donc, de dépl

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