Paco Ibanez, Indigné | Next

Assis dans un fauteuil, sur la terrasse de son appartement barcelonais, Paco Ibáñez domine la ville où il est revenu s’installer en 1994. Sur une table basse sont posés un recueil de partitions de Brassens, un autre de Brel. Au milieu des pots de fleurs, en chemise blanche, la guitare à portée de main, il se ressert inlassablement du café. «J’avais passé ici les premières années de ma vie, au milieu des bombardements de la guerre civile, mais je ne m’en souviens pas. En 1967, je suis revenu y vivre, pendant quatre ans, jusqu’à ce que je devienne indésirable. Je me souviens d’une ville grise, où tout semblait congelé, l’ambiance, les sourires.»

Fils d’un ébéniste anarchiste, Paco Ibáñez a grandi entre Pays basque et Roussillon. A 18 ans, il débarque à Paris. «Nous avons vécu à Pigalle, puis à Franconville et enfin à Aubervilliers. Nous étions les orphelins de ce rêve qu’avait été la république espagnole. Nous attendions la fin de la dictature mais comme on attend de gagner au loto, sans y croire vraiment. On ne voyait pas la moindre lueur de révolte venir d’Espagne, les gens étaient résignés, le régime leur avait inoculé la peur.» Le jeune homme est alors apprenti ébéniste, prêt à suivre la tradition familiale. «Je fabriquais les caisses en bois pour les radios.» Mais il a déjà commencé à grattouiller les cordes. La guitare, il l’a découverte «place Cassagne à Perpignan, en écoutant les gitans.»

Dans la capitale, Brassens est partout. «Pour moi qui écoutais des chansons sentimentales d’Amérique latine, le Gorille ou le Parapluie, c’était nul. Je me disais que les Français étaient très forts pour faire arriver les trains à l’heure, mais question musique, zéro ! Et puis un ami m’a chanté l’adaptation en espagnol qu’il avait faite de Pauvre Martin, et c’est un univers qui s’est ouvert devant moi. La chanson pouvait transmettre des sentiments profonds et subtils, des idées philosophiques.» Après quelques cours de guitare classique, le jeune immigré se débrouille assez pour accompagner une chanteuse espagnole, Carmela, dans les cabarets du Quartier latin. Où il fait une rencontre déterminante : «Jesús Rafael Soto était un artiste vénézuélien qui jouait et chantait en attendant de vivre de ses créations. Il m’a fait découvrir Bartok et Schoenberg… Et puis il a été primé à la Biennale de São Paulo et il a pu se consacrer à l’art.» Soto, mort en 2005, est considéré comme un artiste majeur du XXe siècle, le représentant le plus célèbre, avec Vasarely, de l’art cinétique. En 2003, les deux hommes enregistreront un disque délicieux, Fue Ayer, en souvenir de leurs jeunes années.

Sur le modèle de Brassens, qui a mis en musique François Villon, Paco Ibáñez prend un poème galant de Luis de Góngora (XVIsiècle espagnol) et en fait une chanson. Ce qu’il ne cessera plus de faire, Un premier 33 tours

via next.liberation.fr

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