Pirouette. Comme fil conducteur, Zem utilise l’enquête à décharge menée par Jean-Marie Rouart en 1994. Dans le film, l’académicien devient Pierre-Emmanuel Vaugrenard, un dandy ridicule à qui son éditeur a dit banco pour un livre sur le thème : «Une croisade pour sauver un musulman, c’est vendeur.» Agité du bocal, Vaugrenard livre ses certitudes : le meurtre, «c’est le travail d’un assassin, pas d’un jardinier marocain». Tous les dialogues sont réputés véridiques. Ce Vaugrenard (joué par un Denis Podalydès impeccable) est «un peu chic pour un fouille-merde», déplore son assistante. Mais en costard beige et casque rouge sur sa mobylette bleue, l’écrivain-enquêteur dépote, la poignée de gaz à fond sur les routes de la Côte d’Azur. Où il préfère l’Intercontinental à un hôtel miteux : «Il est important de travailler dans de bonnes conditions. La vie d’un homme est en jeu.»
A part ça, on ne rigole pas. Zem a un avis tranché : Omar Raddad est innocent. Il n’a rien trouvé dans le dossier qui justifie sa condamnation, entre les errements des experts sur l’heure de la mort, le manque de prise d’empreintes, une enquête donnant d’emblée un coupable trop évident et un procès à sens unique. Roschdy Zem n’a pas voulu refaire l’enquête et reste sur la dimension humaine. Au final, l’énigme centrale demeure : la victime était barricadée de l’intérieur. Comment l’expliquer ?
Personne n’a réussi, lors de l’enquête, à refaire cette barricade depuis l’extérieur. Soit c’est elle qui, craignant le retour de son agresseur, a réussi à pousser le lit. Et qui a tracé elle-même «Omar m’a tuer». Dans l’hypothèse où Omar Raddad est innocent, cette inscription a été réalisée par le ou les tueurs pour brouiller les pistes. Roschdy Zem ne s’avance guère sur cette séquence : il s’en tire par une pirouette.
Révision. Omar Raddad dit que le film retrace exactement son histoire. Quand il est rentré chez lui, en 1998, après sept ans de prison, son fils l’a appelé «Monsieur». Il a bénéficié d’une grâce présidentielle partielle signée en 1996 par Jacques Chirac, après intervention du roi du Maroc Hassan II. Mais il reste coupable pour la justice, qui a refusé la révision de son procès, en 2002. Depuis, il tente de faire reconnaître son innocence. Et attend l’analyse de traces ADN retrouvées mélangées au sang de la victime en 1991, qui, espère-t-il, pourraient orienter vers un autre suspect. Le parquet de Grasse a ordonné ces expertises début mai, on attend les résultats.
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