Quelques années seulement après la mise sur le marché des semences de Monsanto Roundup Ready, génétiquement modifiées pour être résistantes à un pesticide, le Roundup (également vendu par Monsanto), « les mauvaises herbes ont développé une résistance au glyphosate (le principal composant du Roundup Ready) et les agriculteurs se sont mis à appliquer de plus en plus d'herbicides : la consommation totale d'herbicides a augmenté de 26 % entre 2001 et 2010 », y lit-on.
L'augmentation du volume d'herbicide.© Food and Water Watch
Cela se traduit d'abord par une augmentation de la dose de Roundup utilisée. « Le volume de glyphosate appliqué aux trois grandes cultures OGM, maïs, coton, soja, a été multiplié par dix entre 96 et 2012 », indique le rapport. « Les fermiers ont commencé par augmenter les doses de Roundup, puis ils sont passés d'une à deux applications par an », précise Chuck Benbrook, agronome à l’université de l’État de Washington, l’un des premiers chercheurs américains à avoir démontré l’augmentation de l’utilisation de pesticides, en 2004. « Les mauvaises herbes sont devenues folles ! À partir de 2005, ils ont commencé à ajouter d'autres pesticides… », poursuit-il.
On assiste ainsi au grand retour du 2,4-D, dont l’usage a augmenté de « 90 % entre 2000 et 2012 », selon les données recueillies par Food and Water Watch auprès du Département de l’agriculture et de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA). Cet herbicide, qui était un composant de l’agent orange utilisé par l’armée américaine au Viêtnam, est par exemple interdit au Danemark, en Suède et en Norvège car considéré comme augmentant les risques de cancer, de troubles du système reproductif et d’affaiblissement mental.
Les conséquences de l'usage de ces produits toxiques sont pléthore. Le rapport pointe différentes études montrant que le glyphosate persiste dans les sols pendant un an après son application, et que le 2,4-D menace pas moins de vingt-huit espèces de saumons. Il rappelle encore les risques liés à l’usage de l’Isoxaflutole (développé par Bayer), toxique pour certains organismes marins, ou encore de l’Atrazine, lié à des problèmes de développement hormonaux de poissons et de grenouilles, notamment observés dans la rivière Detroit. Ce dernier pesticide est d’ailleurs interdit en Union européenne. Et les agriculteurs s’inquiètent de ce retour en arrière, comme en témoigne le conseiller agricole Dan Steiner, dans le Nebraska, interrogé par la radio publique américaine NPR, racontant qu’il y a vingt ans, « on devenait malade à force d’utiliser des pesticides (…), je crois que nous nous empoisonnions à petit feu ».
La situation est de plus en plus préoccupante. Quand des mauvaises herbes résistantes étaient recensées dans cinq États américains en 2005, on en compte dans une douzaine d’États en 2012, indique Food and Water Watch. Et cette évolution met les spécialistes d’autant plus en colère qu’elle était parfaitement prévisible, comme le rappelle l’agronome Chuck Benbrook.
via www.mediapart.fr