Grèves des fast-food: «La figure du travailleur précaire a changé aux Etats-Unis» – Page 1 | Mediapart

Fin juillet, les États-Unis ont été surpris par une grève massive des employés de la restauration rapide. Le mouvement, initié à New York à l’automne dernier, s’est pour la première fois étendu dans six autres villes du quart nord-est du pays, dont Detroit. Payés au salaire minimum, les employés des chaînes de fast-food (McDonald’s, Wendy’s, KFC…) doivent se débrouiller avec des contrats à temps partiel payés 7,25 dollars de l’heure (5,40 euros). « Les États-Unis pourraient bientôt remplacer l'expression "pays de tous les possibles" par "pays des bas salaires" », commente ainsi une éditorialiste de NBC News, qui a listé les jobs les moins bien payés du pays. Les grévistes réclament le doublement de leur salaire et le droit de se syndiquer. La pétition lancée pour appuyer leurs revendication a recueilli plus de 125 000 signatures.

Pour le sociologue Sébastien Chauvin, auteur d'un livre de référence sur le marché du travail américain (Les Agences de la précarité, Seuil, 2010), le mouvement dénote un changement profond du syndicalisme américain et la prise de conscience par le public de la situation des travailleurs pauvres.

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Pourquoi la syndicalisation des employés de McDonald’s semble si compliquée ?

De manière générale, il est beaucoup plus compliqué aux États-Unis de syndiquer une entreprise. La majorité des salariés doit présenter une pétition demandant la tenue d’élections syndicales sous l’égide du National Labor Relations Board. Il faut bien voir que pendant cette campagne, les meneurs sont identifiés par l’employeur, se font licencier ou voient leur nombre d’heures de travail chuter. Les rétorsions sont énormes, le patron organise des réunions obligatoires pour convaincre les salariés de la nocivité des syndicats… Et même une fois reconnu, le syndicat peut attendre des années avant de signer une convention collective (« labor contract »). Dans ce contexte, la syndicalisation des employés de fast-food est pratiquement impossible. Avec le turn-over au sein de ces entreprises, il est très difficile de convaincre les salariés du bien-fondé d’une syndicalisation dont les fruits en termes d’amélioration des conditions de travail et d’emploi ne seraient récoltés qu’au bout de deux ou trois ans…

Mais paradoxalement, ce turn-over permet aussi en partie aux actions en cours d’exister. Les salariés de fast-food ont moins à perdre, et si certains d’entre eux sont licenciés, ils peuvent assez rapidement retrouver un emploi dans un autre restaurant.

Pourquoi ce mouvement syndical a-t-il séduit ?

Les manifestations de New York ont été organisées par tout un tissu parasyndical : des associations de quartier, des organisations communautaires religieuses et ethniques, ou encore des « worker centers ». Le puissant syndicat Service Employees International Union (SEIU) participe à ces actions et surtout leur offre un fort soutien financier. On observe déjà de telles alliances entre syndicats et associations depuis le début des années 1990, mais à l’époque c’étaient les syndicats qui menaient la campagne, et les associations communautaires qui la soutenaient. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse : le centre de gravité de la mobilisation s’est déplacé vers les organisations non-syndicales.

via www.mediapart.fr

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