Lundi, le conseil de surveillance du groupe nucléaire a arrêté le calendrier d'une cotation rapide. Jeudi, le Commissariat de l'énergie atomique ( CEA), actionnaire à 72% d'Areva, et représentant de la puissance publique, devait également se réunir pour discuter du projet. Il envisagerait de céder à cette occasion 15% de son capital. Dès que ces formalités seront remplies, le groupe nucléaire se propose de déposer auprès des autorités boursières les documents afin de pouvoir être coté à partir de juin.
Comment l'Etat, alors qu'il jure vouloir reposer les termes de l'exploitation du nucléaire en France, peut-il cautionner une telle opération? Interrogé sur cette décision, le ministère de l'industrie, placé sous la responsabilité d'Eric Besson, botte en touche. «C'est Areva qu'il faut interroger», répond une porte-parole du ministère. De son côté, Areva renvoie le mistigri… vers l'Etat. «Nous ne sommes pas responsables du calendrier. C'est l'Etat qui s'est engagé. De toute façon, il ne s'agit que d'une mesure technique. Cela ne devrait pas avoir plus d'impact que cela», explique une porte-parole d'Areva.
Peu d'impact ? Officiellement, il ne s'agit que de convertir les certificats d'investissements (titres sans droit de vote), représentant 4% du capital, en actions cotées. Mais quelle que soit l'ampleur de l'ouverture du capital, cette cotation en Bourse est lourde de sens : à partir de ce moment-là, les dés seront jetés. L'Etat, quoi qu'il en dise, n'aura plus le dernier mot. Ce sont les financiers qui prendront le pas sur les décisions stratégiques d'un groupe et imposeront certaines orientations. Même si, en cas de malheur, ils ne sont plus là et n'hésitent pas à se retourner vers la puissance publique pour demander sa garantie, comme on le voit au Japon.
Transformer Areva en une société privée est l'obsession d'Anne Lauvergeon depuis dix ans, afin d'avoir toute liberté pour la conduite de sa stratégie et de ses alliances. Sans compter quelques avantages personnels annexes, son maintien à la tête du groupe n'étant pas le moindre. A maintes reprises, elle a cru y parvenir. Mais à chaque fois, l'opération a échoué au dernier moment. Cette fois-ci, la présidente du directoire d'Areva pense enfin réussir. Elle a un atout déterminant dans sa manche : l'engagement pris par le gouvernement français auprès du Kuwait investment authority (KIA), le fonds souverain du Koweït, au moment de l'augmentation de capital du groupe en décembre dernier.
Il faut revenir sur cette curieuse opération financière réalisée dans la précipitation juste avant
via www.mediapart.fr