A 72 ans, bon pied bon œil, l’auteur de science-fiction américain Norman Spinrad cite les Sex Pistols et se définit comme « une espèce d’anarchiste non cagoulé qui ne pose pas de bombes ».
Installé au bar du festival nantais des Utopiales, il achève sagement un verre de vin et insiste pour parler français. On traque derrière ses airs de grand-père inoffensif la figure presque oraculaire qu’il est devenu en 1969 avec « Jack Barron et l’éternité ».
A la fin de ce roman, les Etats-Unis s’apprêtaient à se retrouver avec un Président noir. Spinrad décrivait une société inégalitaire où seuls les riches se payent le luxe de l’immortalité. Un monde où les médias abreuvent les masses façon « du pain et des jeux ».
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« Le Temps du rêve », de Norman Spinrad, éd. Fayard, octobre 2012 (Fayard.fr)
D’autres de ses romans prennent la forme d’avertissements : une France dans laquelle un jeune terroriste islamiste se rend compte qu’islam ne rime pas forcément avec djihad (dans « Oussama », 2010) ou le réchauffement de la planète, l’effondrement du capitalisme (dans « Bleue comme une orange », 1999).
Aujourd’hui, le bonhomme publie « Le Temps du rêve » chez Fayard et continue de politiser la SF. Oscillant toujours entre prophéties et rengaines, il tisse pour Rue89 des allers et retours entre son œuvre et l’actualité du monde.
Rue89 : Barack Obama vient d’être réélu à la présidence des Etats-Unis. Une bonne nouvelle ?
Norman Spinrad : Lorsque Barack Obama a reçu le prix Nobel de la paix en 2009, ce n’était pas vraiment à lui qu’il était destiné. D’ailleurs, il n’avait rien fait pour le mériter. C’est le peuple américain qui a reçu ce Nobel. Pourquoi ? Parce qu’il a élu un Président noir. Que vous soyez démocrate ou républicain, c’est une victoire.
C’est un nettoyage de plus de 200 ans d’histoire récente de l’Amérique. Une étape de plus a été franchie lors de la dernière élection. Le fait qu’Obama soit noir n’avait cette fois, aucune importance.
Nous n’étions plus dans quelque chose de symbolique mais dans quelque chose d’acquis. Et ça, c’est une vraie évolution de la conscience du peuple américain. Vous imaginez en France, un Président beur ? On en est loin. Alors oui, je suis heureux qu’Obama ait été réélu. Si Romney avait été élu, cela aurait été un désastre.
Qu’est ce qui a changé aux Etats-Unis depuis vos premiers romans ?
Il y a eu de grands bouleversements. Au niveau sexuel, artistique et de la conscience, on peut dire que la révolution a eu lieu. Mais d’un autre côté, certaines choses n’ont pas changé et ont même parfois régressé.
Je pense à l’économie, à la politique. Le parti républicain est aujourd’hui plus à droite que le Front national en France. C’est un parti complètement réactionnaire qui n’a plus rien de conservateur, qui par définition, veut « conserver » ce qui existe. Les républicains d’aujourd’hui sont tournés vers le passé.
via www.rue89.com