Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon : « Les paradis fiscaux, création de la classe dominante » | L’Humanité

Pourquoi écrire ce livre maintenant ? N’est-ce pas un livre de plus sur la fraude fiscale ?

Monique Pinçon-Charlot Notre objectif n’était pas de faire un énième livre sur l’évasion fiscale. Nous avions le projet de faire un livre sur la classe dominante dans sa dimension oligarchique d’aujourd’hui. Car c’est notamment avec l’arme de la fraude fiscale que cette classe asservit les peuples. L’idée du livre est partie d’une espèce de colère. Il a été assez douloureux à écrire d’ailleurs. On nous donne en pâture des paradis fiscaux sous forme d’îles avec des plages de sable blanc, puis on se pose la question sur leur nombre. Mais ce sont des boucs émissaires pour que les partis et les associations qui se battent contre ça aient quelque chose à se mettre sous la main. Dans tout ce qui a été écrit sur le sujet, il manquait le livre que nous avons réalisé. À savoir que les paradis fiscaux sont une création de la classe dominante pour empêcher de comprendre que la fraude fiscale est une pratique systémique de la classe oligarchique, qui ne veut plus contribuer à une quelconque solidarité avec les peuples. Les membres de cette classe veulent la liberté du renard dans le poulailler planétaire, sans que le citoyen ordinaire ne puisse s’imaginer qu’il est le dindon de cette farce fiscale. Un autre déclic a été la rencontre avec le sénateur communiste Éric Bocquet, qui est très présent dans le livre. Le travail que ce militant communiste, fils de mineur, a réalisé est d’ailleurs extraordinaire. On a l’impression qu’il met à profit son poste de sénateur au bénéfice de ses idées, de son parti, de ses luttes. Ce n’est pas rien de réaliser deux missions parlementaires sur la fraude fiscale ! Il nous a offert les livres issus des missions qu’il a menées sur les paradis fiscaux. Notamment les résultats des auditions. De ce jour-là, on a su qu’on allait pouvoir faire un livre avec ces bijoux sociologiques. Enfin, il y a eu l’affaire SwissLeaks, avec Hervé Falciani, qui est sortie dans la presse grâce à ce lanceur d’alerte. Ces lanceurs d’alerte ont révélé énormément de choses sur la fraude fiscale. À la suite de ces révélations, y compris celles de notre livre, les plus riches doivent vivre sur le pied de guerre.

 

Qu’avez-vous appris de cette immersion dans le monde de la fraude fiscale ?

Monique Pinçon-Charlot Nous nous sommes vraiment rendu compte des manipulations idéologiques que les oligarques ont construites pour s’octroyer le droit de faire main basse sur l’argent public. Ils se sont inspirés du marxisme, qu’ils ont inversé. Les tenants de l’oligarchie se sont transformés, dans l’idéologie dominante, en créateurs de richesses et ils ont transformé les ouvriers en coûts et en charges. Ils sont incroyablement sûrs qu’ils sont supérieurs à tout le monde. Au-delà de l’aspect technique de la fraude fiscale, il y a un processus de déshumanisation et d’exclusion des peuples.

Michel Pinçon On a travaillé pendant pas mal d’années sur la haute bourgeoisie : sa gestion de l’espace résidentiel, l’importance de la transmission, etc. Dans ces recherches, on pouvait être admis sans difficulté. Depuis qu’on est passé à des ouvrages traitant de l’argent, nous sommes grillés dans ces milieux car nous disons ce qu’il ne faut pas dire. Les hautes sociétés occidentales sont pourries par le culte de l’argent et la volonté d’enrichissement. Quand on voit les sommes extraordinaires prélevées sur ce qui devrait aller au fisc, selon la législation en vigueur, c’est ahurissant. Dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg ou le Delaware (aux États-Unis), les taux d’imposition sont symboliques.

Monique Pinçon-Charlot Je voudrais ajouter que ce qui m’a fait souffrir lors de la réalisation de cet ouvrage, c’est d’avoir à subir des lectures tec

via www.humanite.fr

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