Mexique, les assassinés du narcotrafic, la religion de la Muerte – Libération

Cette histoire est semblable à celle de milliers d’autres familles au Mexique. Les organisations civiles ont récemment dénoncé plus de 3 000 disparitions forcées survenues depuis que le président Felipe Calderón a entamé la guerre contre les cartels en 2006. La commission nationale des droits de l’homme, un organe gouvernemental, a reconnu l’existence de 5 397 dossiers de disparitions ouverts durant cette période. Pour les spécialistes, il ne fait aucun doute que la majorité des cas rentre dans la catégorie juridique de «disparitions forcées», notamment car les responsables sont des autorités, civiles ou militaires.

Charniers. Le Mexique avait déjà vécu une vague de disparitions forcées à l’époque de la dénommée «guerre sale», dans les années 70 et 80. Les autorités avaient alors fait disparaître des centaines d’opposants de gauche et de militants des guérillas. L’immense majorité de ces cas n’ont jamais été élucidés. «Aujourd’hui, les disparus sont ceux de la guerre de Calderón : le phénomène s’est aggravé à mesure que l’intensité de la lutte contre le narcotrafic a augmenté», analyse Leonel Rivero, avocat spécialisé dans les disparitions. Selon Rivero, les victimes sont soit des policiers, disparus aux mains des forces de sécurité ou des militaires, soit des jeunes, impliqués ou non dans le crime organisé, soit des migrants mexicains ou centraméricains enlevés par des bandes criminelles avec la complicité d’agents de l’Etat. L’implication d’autorités dans les disparitions peut être directe ou indirecte, via la permissivité ou l’omission d’enquête. «Il y a une ligne très fine entre les activités du crime organisé et celles des autorités. On observe souvent une symbiose entre les deux», affirme Rivero.

Début avril, 145 corps ont été découverts dans différents charniers à San Fernando, dans l’Etat de Tamaulipas, frontalier avec les Etats-Unis. Dans cette même localité, les cadavres de 72 migrants centraméricains massacrés par le cartel des Zetas étaient retrouvés en août dernier.

Phénomène. Les «narcofosses» sont devenues monnaie courante au Mexique. A chaque fois qu’un nouveau charnier apparaît, les familles des disparus se mobilisent, traversent le pays pour voir si elles peuvent identifier leurs proches parmi les victimes. Sur près de 40 000 morts recensés ces cinq dernières années, 8 900 corps n’ont pas encore été identifiés. A l’issue d’une mission au Mexique du 18 au 31 mars, le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées et involontaires a recommandé le retrait des militaires des opérations contre le crime organisé, considérant que le déploiement de 50 000 soldats a engendré une augmentation de la violence et des disparitions (lire ci-contre).

Les émissaires de l’ONU ont également déploré le refus du gouvernement mexicain de reconnaître l’ampleur du phénomène et l’impunité qui entoure les cas de disparitions. Depuis le début de la guerre contre les cartels, seules deux condamnations pour disparitions forcées ont été prononcées à l’encontre de fonctionnaires.

«Les autorités affirment que mon mari et mes fils étaient mêlés au crime organisé. Elles disent cela pour justifier l’absence d’enquête. Mais c’est faux, ils n’avaient rien à voir avec ces milieux-là !» s’indigne Gloria Aguilera, qui pense que ses proches ont disparu parce qu’ils avaient été témoins d’actes de corruption au sein de leur service. Le procureur lui a affirmé que si elle n’avait pas porté plainte, son mari et ses fils auraient réapparu.

Fusillade

via www.liberation.fr

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