La défense de Michèle Alliot-Marie continue de s'écrouler. Loin d'être une «victime (…) spoliée» par le clan Ben Ali, comme la ministre ne cesse de le marteler depuis plusieurs jours, Aziz Miled, le chef d'entreprise tunisien qui lui a fait profiter gracieusement d'un jet privé pendant les vacances de Noël, a en réalité été un pion central du système économique du régime déchu.
En vingt-quatre années de dictature, il a réussi à être associé en affaires avec rien de moins que trois gendres et un beau-frère de l'ancien despote Ben Ali, qui l'a par ailleurs nommé personnellement à un haut poste politique en 2008, au sein de l'équivalent du Sénat tunisien.
D'après les éléments recueillis en Tunisie et en France par Mediapart, Aziz Miled peut en effet s'enorgueillir d'être l'un des rares entrepreneurs tunisiens à avoir été en affaires, dans la finance, le tourisme ou l'aviation, avec à peu près toutes les composantes de ce qu'il était convenu d'appeler le «clan Ben Ali». Que ce soit les familles Materi, Trabelsi, Chiboub ou Mabrouk.
Gravitant au départ dans l'entourage de Habib Bourguiba, le père de l'indépendance tunisienne, Aziz Miled opère très tôt un rapprochement avec le pouvoir Ben Ali, après le «coup d'Etat médical» de novembre 1987, ont rapporté plusieurs sources tunisiennes, dont un ancien membre du clan Ben Ali.
A l'époque, ZineEl-Abidine Ben Ali promet la «démocratie» et le respect de «la souveraineté populaire». Il n'en sera rien.
Pour Aziz Miled, l'opération séduction réussit en 1989. Cette année-là, l'ami de MAM intègre le comité de soutien officiel de Ben Ali et s'acoquine avec un gendre du président, Slim Chiboub, son associé en affaires – les deux hommes exploiteront par exemple dès 1994 2.000 hectares de terres agricoles entre Mornag et Djebel Ressas – à qui il prend l'habitude d'offrir la suite 104 de son hôtel Phénicia, à Hammamet.
En 1995, avec l'appui de Slim Chiboub (époux de Dorsaf Ben Ali), sa société Tunisian Travel Service (TTS) devient l'actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Air Liberté, jusqu'ici filiale tunisienne du groupe français, fondée six ans plus tôt par un spécialiste du secteur, Lotfi Belhassine.
Air Liberté deviend Nouvelair l'année suivante, en 1996. Le nouveau nom de la compagnie aérienne d'Aziz Miled ne doit rien au hasard. Selon un entrepreneur tunisien qui connaît bien M. Miled, il l'a baptisée ainsi pour «faire plaisir» à Ben Ali, en référence à un leitmotiv politique du régime mille fois entendu en Tunisie depuis le coup d'Etat: «L'ère nouvelle».
via www.mediapart.fr