Si certains attendent avec impatience l'installation du gouvernement de gauche, ce sont bien les salariés de Fralib à Gémenos (Bouches-du-Rhône). En lutte depuis près de 600 jours contre la fermeture de leur usine, qui produit les sachets de thé Lipton et d’infusion Eléphant pour la multinationale Unilever, ils ont repris son occupation le 11 mai, après avoir été avertis que la direction locale comptait déménager les machines.
Le 14 mai, la direction a saisi la justice en référé expulsion. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille rendra mercredi sa décision sur une éventuelle expulsion. « De toute évidence, la multinationale ne voulait pas laisser au prochain gouvernement le temps de se saisir de ce dossier », estime Olivier Leberquier, délégué syndical CGT.
« L'essentiel aujourd'hui est qu'on ne nous prenne pas nos machines, parce que sans nos machines le projet alternatif (de reprise par les salariés) n'existe pas », dit Pierrette Beuriot, 58 ans, entrée à 20 ans chez Fralib. « 38 ans de travail pour en arriver là », soupire-t-elle. Pour le secrétaire général de la fédération agroalimentaire CGT, Jean-Luc Bindel, présent le 11 mai, « le combat des Fralib est devenu, par la détermination (des salariés) et les enjeux industriels qu’il pose, un symbole de la résistance des travailleurs face à la politique de Sarkozy et du Medef ».
Depuis la reprise de l’usine, les salariés se vivent en état de « légitime défense », se relayant toutes les quatre heures, surveillant les allées et venues des voitures devant le portail de l'usine, guettant les passages des vigiles qu'ils ont délogés vendredi. « Des mercenaires de la société Escort sécurité, auxquels la direction a fait appel en violation du Code du travail, lâche avec mépris Gérard Carzola, représentant CGT au Comité d'entreprise. Depuis des semaines, cette milice patronale gérait l'accès pour les salariés, contrôlait nos cartes d'identité, ils nous coupaient l'électricité dans les locaux syndicaux le soir et provoquaient en permanence. »
Vers 10 heures lundi matin, mouvement de repli des salariés et des renforts CGT venus de tout le département des Bouches-du-Rône, qui courent se dissimuler derrière un mur. « Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour bosser ! » lance l'un d'eux, mi-rigolard mi-consterné. « Ils viennent avec leur huissier pour nous filmer, nous prendre en photo, bref nous identifier, comme ils l'avaient déjà fait, afin qu'ils puissent nous considérer en grève pour nous sucrer notre salaire », explique Marie Ange Diaz, entrée à Fralib en 1976 et membre du comité d'hygiène et de sécurité.
via www.mediapart.fr