Le programme est énoncé sans fard et sans crainte des superlatifs dès les premières pages du livre. Il s’agit de « provoquer une révolution scientifique, attendue de longue date en économie ». Pas moins. L’auteur de cette profession de foi s’appelle Steve Keen. Cet économiste australien est aujourd’hui directeur du département Economie, Histoire et Politique de l’université de Kingston à Londres. Son livre L'Imposture économique, qui paraît en France le 9 octobre aux éditions de l’Atelier, est paru dès 2001 pour sa première édition dans le monde anglo-saxon, sous le titre Debunking economics, « Démystifier l’économie ».
Il s’y emploie à dynamiter méthodiquement les bases de la théorie néoclassique, la pensée économique qui sous-tend toute l’idéologie néolibérale contemporaine. Un par un, Steve Keen examine les axiomes de la micro-économie, censés décrire le fonctionnement des consommateurs et des entreprises. Il ne le fait pas à coup de méthodes extravagantes ou en faisant appel à des théories farfelues. Au contraire, il les expose à la lumière de certains des auteurs classiques de la discipline, et les analyse avec les armes mêmes de la pensée économique la plus traditionnelle.
Après avoir été passés à ce crible, ces théories, parfois aussi centrales que les « lois » de l’offre et de la demande, ne tiennent plus guère debout. « La prétendue science économique est un agrégat de mythes qui fait passer l’ancienne conception géocentrique du système solaire de Ptolémée pour un modèle puissamment sophistiqué », balance, cruel, l’auteur. « L’une des nombreuses raisons qui ont permis aux économistes de réussir à prendre le contrôle des politiques sociales, c’est l’affirmation d’une certaine légitimité intellectuelle face à quiconque s’oppose à leurs recommandations, rappelle-t-il. L’objet de ce livre est de montrer que cette affirmation est fallacieuse.
Le livre sort avec une certaine pompe dans l’Hexagone, l’auteur étant sur le territoire ces jours-ci pour participer à plusieurs réunions publiques (voir la liste de ces rencontres sous l’onglet Prolonger). Il est appuyé par Gaël Giraud, un économiste français hétérodoxe qui s’est imposé dans le débat politique français en publiant, fin 2012, une note extrêmement sévère sur le projet de loi de séparation des activités bancaires, qu’il jugeait tout à fait insuffisant (consulter ici sa note). Auteur de la préface, Giraud a supervisé la traduction française du livre de Keen. Il juge, dans une passionnante interview à Mediapart (à lire ici), qu’« il s’agit d’un texte majeur qui fera date ». « Ce livre est une interpellation. Celle d’un universitaire économiste qui apostrophe sa communauté et, par-delà celle-ci, notre société tout entière », écrit-il.
Car il faut prendre la mesure du monde dans lequel vivent et raisonnent les économistes. Un monde parallèle, qui ne reflète la réalité que de très loin. Et à rebours de toute démarche scientifique réelle. « Plutôt que démarrer par un phénomène qui nécessite une explication, comme le f
via www.mediapart.fr