Le rapport n'en disait pas plus… Mais le chiffre laissait pantois : la dette publique aurait donc été de 20 points de PIB inférieure à ce qu'elle était en 2010 sans ces baisses d'impôts décidées depuis dix ans.
Le chiffre mérite un temps de réflexion. 20 points de PIB en moins d'une décennie ! Autrement dit – et ce sont des experts qui travaillaient pour le gouvernement qui le suggéraient –, la France, malgré la crise, aurait presque encore été à l’époque en conformité avec les sacro-saints critères de Maastricht si ces baisses d'impôts n'étaient pas intervenues, et notamment le critère européen qui fait obligation à ce que la dette d'un État ne dépasse pas 60 % de sa richesse nationale. Concrètement, sans ces baisses d'impôts, la France aurait certes crevé ce plafond, mais dans des proportions raisonnables. Juste un chouïa…
Dans l'article, nous soulignions aussi l’importance d’une autre étude rendue publique le 6 juillet 2010, sous la signature du rapporteur général (UMP) du budget à l’Assemblée, Gilles Carrez (son rapport est ici). Celui-ci livrait des évaluations à donner le tournis des baisses d’impôt engagées en France au cours des dix années précédentes.
Ce rapport faisait ainsi ce constat (à la page 7) : « Entre 2000 et 2009, le budget général de l'État aurait perdu entre 101,2 – 5,3 % de PIB – et 119,3 milliards d'euros – 6,2 % de PIB – de recettes fiscales, environ les deux tiers étant dus au coût net des mesures nouvelles – les "baisses d'impôts" – et le tiers restant à des transferts de recettes aux autres administrations publiques – Sécurité sociale et collectivités territoriales principalement. » Soit 77,7 milliards d’euros de baisses d’impôt sur les dix années sous revue. Et le rapport apportait cette précision très importante : « La moitié des allègements fiscaux décidés entre 2000 et 2009 ont concerné l'impôt sur le revenu. Le manque à gagner en 2009 sur le produit de cet impôt s'établit en effet à environ 2 % de PIB, contre 0,6 % de PIB pour la TVA et 0,5 % de PIB pour l'Impôt sur les sociétés (IS). »
En résumé, ce que mettait en évidence ce rapport de Gilles Carrez, c’est que les baisses d’impôts ont joué un rôle majeur sur une longue période dans le creusement des déficits. Et que ces baisses d’impôts ont d’abord profité aux foyers les plus avantagés, notamment les 50 % des Français qui sont assujettis à l’impôt sur le revenu.
Or, depuis cette enquête de Mediapart, nous disposons d'une étude beaucoup plus exhaustive sur les origines de la dette, réalisée par le « Collectif pour un audit citoyen de la dette publique » (lire Sous la dette publique, l'arnaque néolibérale). Réalisé par un collectif de chercheurs et de militants, parmi lesquels Michel Husson (Conseil scientifique d’Attac, coordination), Pascal Franchet (CADTM), Robert Joumard (Attac), Évelyne Ngo (Solidaires finances publiques), Henri Sterdyniak (Économistes atterrés) et Patrick Saurin (Sud BPCE), et reprenant les conclusions de ces deux études citées par Mediapart, le rapport établissait de manière très méticuleuse que la dette publique française aurait été limitée à 43 % du PIB en 2012, au lieu des 90 % constatés, si la France ne s'était pas lancée dans une course folle aux baisses d'impôts, essentiellement en faveur des plus hauts revenus, et avait refusé de se soumettre à des taux d'intérêt exorbitants.
Pour mémoire, voici ce rapport. On peut le télécharger ici
via www.mediapart.fr