L'Europe en crise pratique de grands écarts douteux. L'Union s'est montrée incapable de réagir, après la tragédie des migrants de Lampedusa (voir notre compte-rendu du conseil européen d'octobre). Mais certaines de ses capitales, au même moment, se mettent à organiser des filières d'« immigration choisie » sans le dire, en vendant passeports et permis de résidence à des hommes d'affaires fortunés.
La tendance est en train de gagner toute l'Europe du Sud, asphyxiée par la crise des dettes publiques. Prêts à tout pour trouver du cash et faire tourner tant bien que mal leurs économies atones, des gouvernements misent sur une idée spectaculaire : vendre à prix d'or des permis de résidence, voire carrément la nationalité du pays en question, à des hommes d'affaires chinois, brésiliens ou russes.
Malte est l'un des derniers États membres de l'UE à s'être lancés dans ce nouveau business. N'importe quel citoyen âgé de plus de 18 ans peut devenir maltais, à condition de signer un chèque de… 650 000 euros. Le gouvernement, qui a fait l'annonce la semaine dernière, table sur 45 nouveaux naturalisés la première année – ce qui devrait apporter quelque 30 millions d'euros à cette petite île endettée. Aux yeux de certains hommes d'affaires non européens, la proposition est d'autant plus alléchante que l'obtention de cette nationalité donne ensuite accès à l'ensemble des 26 États de l'espace Schengen.
Au Portugal, des « visas dorés » (vistos dourados) sont en place depuis le début de l'année. Trois montages sont possibles pour obtenir le précieux sésame : un investissement d'au moins 500 000 euros dans l'immobilier local ; un transfert de capitaux d'au moins un million d'euros vers le Portugal ; ou encore une injection de capitaux dans l'économie locale, qui entraîne la création d'au moins dix emplois déclarés à la Sécurité sociale. À la clef, une autorisation de séjour sur le territoire portugais, qui peut aller jusqu'à cinq ans.
En huit mois, 318 personnes ont ainsi obtenu leur « visa doré » portugais, 80 % d'entre eux via des investissements dans l'immobilier. Au classement des nationalités, les Chinois arrivent en tête, suivis des Brésiliens, des Angolais et des Sud-Africains. En tout, cela représente près de 200 millions d'euros injectés dans l'économie portugaise depuis le début de l'année – même si l'on voit mal en quoi les investissements dans l'immobilier de luxe sont véritablement productifs pour l'économie en général.
via www.mediapart.fr