Les paradis fiscaux par Nichola Shaxson et E. Quilgars

Les bibliophiles avertis et les dissidents
de l'ordre néo-libéral disposent désormais d'un nouvel ouvrage de référence à placer
sur leurs rayons entre les écrits de Naomi Klein et de Paul Jorion. Il s'agit
du dernier livre de Nicholas Shaxson, Treasure
Islands
(«Les îles au trésor»), paru en début d'année en Angleterre
et qui, comme l'indique aimablement son sous-titre, permet de tout comprendre ou
presque sur «les paradis fiscaux et les hommes qui volent le monde».

 

On ne s'étonnera pas que son auteur
soit britannique. Tout comme jadis les Espagnols – Bartolomé de Las Casas en
tête – ont été les premiers à dénoncer les horreurs de la colonisation, il
fallait bien que ce soit un sujet de Sa Gracieuse Majesté qui nous guide dans
les arcanes de ce monde occulte et nous apprenne que le plus grand paradis
fiscal de la planète n'est pas une petite île avec palmiers de la mer des
Caraïbes mais un pays au climat nettement moins agréable (sauf pour les
affaires) situé à deux heures de train de Paris : le Royaume-Uni.

 

L'intérêt de l'ouvrage est multiple :
il retrace l'histoire des paradis fiscaux, en dresse une typologie, décrit leur
fonctionnement et en explicite la dimension politique et idéologique. Il permet
au néophyte de modifier complètement sa perception du phénomène : les
paradis fiscaux ne sont pas des parasites qui viennent se greffer sur le corps
sain de la mondialisation, mais des rouages essentiels du système économique
international. Ils s'inscrivent dans le cadre de la dérégulation financière et
participent au projet néo-libéral de refonte des Etats. Loin d'être des
territoires isolés fonctionnant en autarcie, ils interagissent entre eux, se concurrencent,
se spécialisent et opèrent à l'intérieur de réseaux structurés et hiérarchisés sous
la houlette discrète de Londres et de New York. En fournissant les
infrastructures indispensables à la circulation du capital, en favorisant le
dumping fiscal et juridique, ils entravent la croissance économique des pays en
développement et appauvrissent l'Etat-providence. In fine, leur opacité, leur législation permissive et leur
interconnexion avec les grands centres financiers de la planète contribuent à
la diffusion du risque systémique.

 

Il est bien sûr difficile de
résumer en quelques lignes un ouvrage aussi riche en analyses, en enquêtes, en
témoignages, en données, etc. Examinons cependant quelques points saillants -illustrés
par nos soins de superbes vers empruntés au patrimoine poétique français.<--break->

 

1. « Fuir ! là-bas fuir ! » (S. Mallarmé, Brise
marine
)

 

Shaxson donne une définition extensive
du paradis fiscal (terme auquel on peut préférer celui de « centre
financier off-shore », plus générique et plus descriptif) : « Lieu
qui se propose d'attirer des activités économiques en offrant à des particuliers
ou à des entités un cadre politiquement stable qui permette de contourner les
règles, les lois et les réglementations édictées dans les autres pays[1]. »

 

Cette définition met en évidence trois
éléments fondamentaux. En premier lieu, le paradis fiscal n'existe pas pour
lui-même mais dans sa relation avec un ailleurs
dont il est le refuge. Le terme
a

via blogs.mediapart.fr

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