De la cruauté des plans de coupe. Au lendemain des sénatoriales fatales, on débattait sur France 2, chez Calvi. On débattait scandales, fadettes, mallettes, sacoches, procès-verbaux, démocratie en danger. Plus précisément, ils étaient deux à débattre : Henri Guaino, conseiller spécial de Sarkozy, contre Edwy Plenel, fondateur de Mediapart. Et pendant les rounds, entre les joutes, la caméra s’attardait sur un banc où patientait une sélection d’éditorialistes des médias traditionnels, Nicolas Domenach (Marianne), Sylvie Pierre-Brossolette (le Point) et Guillaume Roquette (Valeurs actuelles). Cruellement, ô combien, la caméra les prenait en enfilade, tandis qu’ils comptaient les coups sur leur banc de touche, avec des sourires entendus d’esthètes, et une impatience savamment rentrée. Cruelle, l’image dit exactement l’état actuel de l’affrontement : du côté du donjon assailli, plus personne d’autre aux meurtrières que le bouffeur de caméras Guaino. Quant à Plenel, à quel titre était-il invité ? Opposant ? Journaliste ? Peu importe. C’était l’homme de la situation, tant la vie politique, depuis la rentrée, pulse au rythme des révélations de Mediapart.
Et les autres médias ? Ils suivent. Multipliant les portraits de Takieddine, les anecdotes téléphoniques sur Hortefeux, la chronique illustrée de la famille Gaubert, les supputations sur les désirs secrets de Juppé ou de Fillon, les hebdos traditionnels apparaissent comme de simples illustrateurs du combat entre Mediapart et le pouvoir. La presse, ces temps-ci, n’est qu’une interminable mise en musique de Mediapart. Les éditorialistes se prononcent savamment pour ou contre le secret de l’instruction et la présomption d’innocence, certains jugent Mediapart convaincant, d’autres non, ils estiment que Mediapart va trop loin, ou pas, certains publient les mêmes scoops que Mediapart, parfois un peu avant, parfois un peu après, mais le site de Plenel donne le la. La plupart, intérieurement, enragent contre Mediapart, qui a cassé le boulot, mais personne n’ose évidemment le dire (à lire, comme exemple de restriction mentale, un long article de Christophe Barbier, dans l’Express, expliquant les affaires Takieddine et Bettencourt par… une vindicte personnelle des juges d’instruction contre Sarkozy, coupable d’avoir voulu supprimer la fonction). Les hebdos, la semaine dernière, titraient sur la «fin de règne», ou «la chute du clan». Le règne et le clan Sarkozy, s’entend. Mais le règne qui s’achève dans la boue n’est-il pas aussi un peu le leur ? N’est-il pas, en même temps que celui de Sarkozy, celui de la connivence, des déjeuners «off» racontés avec six mois de retard, des interminables exégèses sur les petites phrases politiciennes ? Deux de ces hebdomadaires publiaient par exemple les bonnes feuilles de livres rédigés par leurs journalistes politiques. Et ces bonnes feuilles fourmillaient d’informations sur les guéguerres internes des clans. Sous la plume de Renaud Dély, directeur adjoint de la rédaction de l’Obs, on apprenait – enfin – comment DSK, lors d’un fameux déjeuner secret avec l’état-major de l’hebdo, avant «l’affaire», avait menacé Hollande de lui «tordre le bras», s’il ne se «couchait» pas. Ce n’était rien à côté des confidences euphoriques de Juppé à Anna Cabana, du Point, lorsque le ministre des Affaires étrangères avait appris l’arrestation de DSK à New York : «Il ne reste plus qu’à éliminer Sarkozy. Qu’est-ce qu’on pourrait avoir comme scandale à droite ?» exultait Juppé.
Comme d’habitude, à coups de citations croustillantes,
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