Légaliser le shit ? Les dealers s’inquiètent pour leur « marché » | Rue89

Devant le porche d'un hall d'immeuble de la cité de Rougemont à Sevran, en Seine-Saint-Denis, cinq jeunes se relaient pour guetter et dealer depuis le début de l'après-midi. La nuit tombée, les clients affluent. En l'espace d'une heure, une trentaine d'entre eux viendront acheter leur barrette de shit aussi naturellement qu'une baguette de pain dans une boulangerie.

Ici, la légalisation semble déjà entrée en vigueur depuis longtemps…

En finir avec les dealers ?

Prenant acte de l'échec de la politique répressive et du coût qu'elle fait peser sur la collectivité (un montant annuel de 3 milliards d'euros selon Terra Nova), Stéphane Gatignon souhaite aujourd'hui « un changement de paradigme ».

Dans son livre coécrit avec Serge Supersac (ancien flic de terrain), le maire de Sevran propose ainsi d'en « finir avec les dealers » et l'insécurité générée par le trafic en légalisant le cannabis. Mais dans son analyse, l'ancien communiste distingue bien les « petits dealers de rue », à qui il propose un vaste plan de réinsertion sociale, des semi-grossistes et gros revendeurs qu'il sait plus difficilement récupérables. (Voir la vidéo)



« Le shit, c'est notre culture »

Mais à quelques kilomètres de la mairie, les cinq dealers de rue qui « tiennent le hall » dans la cité de Rougemont réagissent avec scepticisme à cette proposition, comprenant très rapidement l'impact qu'aurait la légalisation sur leur business. « C'est pas bon, ça va détourner notre clientèle » craint Saïd (les prénoms ont été modifiés). Accoudé à la rambarde de l'escalier, Nadeem rétorque :

« Faut pas croire ce que les médias racontent, c'est déjà très dur de vendre aujourd'hui. »

Assis sur une chaise, l'air absent, Michaël, le plus âgé de la bande, a quitté le circuit scolaire et deale depuis plus de quatre ans. Un brin fataliste, il déclare :

« Le shit, c'est notre culture et ici, c'est notre territoire, et c'est pas prêt de changer. […] On ne se laissera pas prendre notre marché. »

« S'ils légalisent le teshi, on ira braquer des banques », répond Sofiane. Même si ces camarades ne le prennent guère au sérieux, ils peinent à imaginer une vie sans le deal. A l'image d'une chanson du groupe de rap local RGT, le « bizness » conditionne la vie sociale de ces jeunes dealers de rue.

Nadeem m'en explique la structure hiérarchique :

« Nous sommes payés 120 euros la journée. Guetteurs et bicraveurs [dealers, ndlr] se font la même paye car on alterne. Les mois pleins (30 jours), on peut donc facilement monter à 3 500 euros mais ils n'ont pas toujours besoin de nous. Le rechargeur [le revendeur qui fournit la drogue à vendre, ndlr] se fait entre 8 000 et 10 000 euros. Au-dessus de lui, c'est le patron. »

Selon le sociologue Thomas Sauvadet

via www.rue89.com

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