Et si l’on foutait un peu à bas le dogme ? Si, tandis que la Cour des comptes redit, après tant d’économistes atterrés, l’inatteignabilité des 3% de déficit public en 2013, on osait contrarier l’obsession de la dette (la dette ! la dette ! la dette !) ? Si, au-delà de la relance comme une technique économique, on la concevait comme un objectif politique ? Si, en un mot, plutôt que de bêler en chœur l’adage fameux de «l’économie, idiot !» au moyen duquel Bill Clinton, en 1992, terrassa George Bush, on s’autorisait, à l’adresse de François Hollande, un sacrilège : «le social, idiot !» qui ferait reconsidérer l’économie comme globale – celle-là qui faisait dire au père Hugo, cet illuminé de la république, que lorsqu’on ouvre une école, on ferme une prison…
Mais je radote, je rêve et je me perds… Pour un temps noyé dans la bruyante actualité des guerres, au Mali contre «le terrorisme» et à l’Assemblée pour «le mariage pour tous», le social a tenté cette semaine de sortir la tête de l’eau sous quoi l’économie la lui maintient – pour son bien, naturellement et au nom de «la crise». Social, c’est le terme qu’emploient les exploités, et auquel les exploiteurs préfèrent celui d’économie.
Cette semaine, le social ne fit pas le poids. Les licenciés de Goodyear, de PSA, de Sanofi et de tant d’autres sinistres boucheries l’ont à nouveau vérifié mardi à Rueil-Malmaison, où le marchand de pneumatiques «détaillait» la fermeture de son site d’Amiens (voir Libération du 13 février). Bien préparée dans les esprits et les médias par le procès en violence et irresponsabilité que leur firent de conserve Laurence Parisot et Manuel Valls (voir No Smoking du 8 février), la réception des manifestants fut cette fois exemplaire. Pas de victime à déplorer dans leurs rangs, cette fois, comme à Strasbourg, le 6 février, devant le Parlement européen, où un jeune intérimaire belge d’Arcelor Mittal perdit un œil à la suite d’un tir de flash-ball en pleine face. Pas d’affrontements du tout, sinon, au matin, lorsque soixante cars de CRS firent ce qu’il faut pour «protéger» le siège. Bien qu’un peu ridicule, un peu pathétique, l’image de leur stoïcisme admirable et très responsable, derrière leurs boucliers maculés de peinture au moyen de laquelle ils furent assaillis, nourrit le sujet dans les JT du soir, afin de bien marteler l’inéluctabilité des licenciements. Renault suivra et PSA, qui annonçait mercredi plus de 5 milliards de déficit («historique»), mais dont plus de quatre en dépréciations massives d’actifs. Même si vous ne savez pas ce que cela signifie, vous devriez avoir vraiment très peur. Résignez-vous, alors.
Ça, c’est presque fait. En matière d’austérité nécessaire, il est pourtant un autre domaine où, si la méthode montre ses limites, le travail de sape idéologique se poursuit sans faiblir. Ce chantier, c’est celui de la réforme des rythmes scolaires dans le primaire, où les enseignants du Syndicat national unifié des instituteurs (SNUipp-FSU) font déjà dans l’opinion figure de têtes de Turcs, tels les forcenés de Goodyear à Amiens-Nord. Considérant que les instituteurs, comme tous les fonctionnaires aux salaires à nouveau gelés, subissent depuis des lustres le double opprobre attaché à leur statut infamant de fonctionnaires (tous feignants) et d’enseignants (trois mois de congés payés !), ce chantier aurait dû être vite bouclé. A l’évidence, ça ne marche pas si bien que prévu – et annoncé.
C’est que si cette réforme est pleine de bonnes intentions, elle est impayable, à prétendre surcharger encore l’infini fardeau de toutes les tâches dévolues à l’école devenue substitut de tous les services publics. Demandez, dans votre entourage, de quoi est fait le laborieux ordinaire d’un «prof», comme on dit avec une familiarité de mauvais aloi. Et, si vous n’en trouvez pas, lisez donc, sur le sujet et le site Respublica,
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