Silencieux, enroulés dans leurs ponchos aux couleurs vives, une grappe d’Indiens quechuas attendent patiemment leur tour devant l’édifice flambant neuf du Registro Nacional. C’est le bâtiment le plus moderne de Zumbahua, une petite bourgade andine perchée à 3 800 mètres d’altitude sur les flancs du volcan Quilotoa. Pour la plupart d’entre eux, c’est la première fois qu’ils vont obtenir un papier d’identité en bonne et due forme. «Votre signature sera désormais numérique», explique un employé à une femme d’une cinquantaine d’années qui parle à peine l’espagnol et ne sait pas écrire. Qu’importe : l’heure est à la modernisation dans la campagne andine équatorienne.
Longtemps oubliées du pouvoir central, les communautés indigènes sont «rattrapées par le progrès», comme aime à le répéter Alfonso Ushco, secrétaire du gouvernement de la paroisse du Quilotoa (équivalent de la commune). Ici plus qu’ailleurs, Zumbahua est un peu le village chouchou du président socialiste Rafael Correa, candidat donné gagnant dimanche au premier tour du scrutin pour sa propre réélection. Alors qu’il était jeune étudiant, il a décidé d’y vivre durant une année. On est en 1986, l’Equateur est dirigé par le président corrompu León Febres Cordeo, Rafael Correa défend les valeurs de gauche de la théologie de la libération et décide de s’engager comme bénévole auprès du padre Pio, prêtre de cette humble commune. Il participe à la construction d’un moulin, donne des cours d’alphabétisation et travaille dans les champs de papas (patates) perchés sur les flancs abrupts des montagnes.
Fierté. Près de trente ans plus tard, l’image de l’étudiant de Guayaquil au caractère fougueux est encore présente. «Il vivait avec nous, partageait notre pauvreté et nous amusait avec ses blagues et ses chansons à la guitare», raconte, ému, Alfonso Ushco devant la maison où Rafael Correa résidait. Et d’ajouter avec fierté : «Il ne nous a jamais oubliés.» Les 12 000 habitants de la commune de Zumbahua sont en effet des privilégiés. C’est ici que le gouvernement a lancé sa «révolution citoyenne», un vaste programme de réformes sociales et économiques dont le but est d’instaurer le sumak kawsay, le «bien-vivre» en quechua. «L’idée est que la société soit juste et harmonieuse pour tous les citoyens indépendamment de leurs origines. Pour cela, on a dû déterminer les besoins, redistribuer plus équitablement l’argent des impôts et moderniser les institutions trop longtemps à la botte des dirigeants corrompus», commente René Ramirez, secrétaire général au ministère du Développement et de l’Education à Quito. En six ans de gouvernement, l’exécutif de Correa a mis les bouchées doubles. L’investissement public dans les services, venant en grande partie de la vente du pétrole après nationalisation des exploitations, a été de 25,5 milliards de dollars (19,6 milliards d’euros), quatre fois plus que les quatre gouvernements précédents.
Pari. L’ancienne piste
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