Pour une révolution fiscale est un livre (Seuil, La République des
idées, 12,50€) qui sera l'une des références du débat
public de la prochaine élection présidentielle, surtout dans les rangs de la gauche. Ecrit par trois économistes qui
figurent parmi les meilleurs spécialistes de la question des impôts en France,
Camille Landais (chercheur au
Standford institute for economic policy research), Thomas Piketty (professeur à
l'Ecole d'économie de Paris et directeur d'études à l'EHESS) et Emmanuel Saez (professeur d'économie à Berkeley),
l'ouvrage et le site Internet qui lui est adossé présentent
le double mérite de dresser un constat incontestable – et
accablant – des graves dysfonctionnements du système fiscal français et des
inégalités qu'il génère; et de soumettre des pistes de réflexion
radicales non plus pour le rafistoler mais pour le reconstruire de fond en
comble.Ce petit livre rouge, comme l'a baptisé Libération, est bienvenu. Durant ces deux dernières décennies, le conservatisme ou
l'ultralibéralisme ont inspiré les politiques fiscales. Sous la droite mais aussi sous la gauche, c'est
le «moins d'impôt» qui
a servi de commandement à tous les gouvernements qui se sont succédé. Oubliant
que l'acceptation de l'impôt et l'égalité des citoyens devant celui-ci sont au cœur
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les majorités
successives ont chacune contribué à faire de la fiscalité un champ de ruine.Démantèlement de la fiscalité de l'épargne, abaissement de
l'impôt sur le revenu, multiplication des niches: chacun a apporté sa
pierre (voir notre article Ces dix années de cadeaux fiscaux qui ont ruiné
la France)
à cette œuvre de démolition, qui a nourri une hystérie antifiscale et une
allergie à l'intérêt général. Et ceux qui osaient défendre l'impôt, en même temps que sa progressivité,
étaient raillés et présentés comme d'indécrottables passéistes ou de dangereux
révolutionnaires. Bref, même la gauche – la gauche «moderne», il va
sans dire – s'est longtemps convertie à cette pensée unique anti-impôt. Qui ne se souvient de
la compétition dans laquelle Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius s'étaient
lancés à la fin des années 1990? C'était à qui ferait la proposition la
plus sulfureuse pour saper l'impôt sur le revenu ou abaisser la fiscalité sur
les stock-options.Alors, que trois économistes parmi les plus brillants de la
jeune génération décident d'aller à
l'encontre du conservatisme qui a si longtemps prévalu et jettent ce pavé dans la
marre, est évidemment réconfortant. A quelques encablures de l'élection
présidentielle de 2012, il faut donc méditer le constat qu'ils font. Et il faut s'attarder sur la «révolution» qu'ils
préconisent. Car les pistes qu'ils défendent sont fortes, même si certaines
d'entre elles peuvent être contestées, critiquées ou amendées.Pour ces économistes, ce plaidoyer en faveur d'un sursaut
fiscal n'est pas nouveau. Pour ne parler que de lui, Thomas Piketty
travaille ainsi depuis longtemps sur ces questions. Auteur d'un ouvrage déjà
très remarqué, Hauts revenus en France au XXe siècle, inégalités et
redistributions, 1901-1998 (Grasset, 2001),
il plaide depuis longtemps pour une refonte globale du système fiscal français.
Il s'en était même longuement expliqué dans un entre
via www.mediapart.fr