Quand les averses du « printemps arabe » ont commencé à balayer les vieux dictateurs tunisiens et égyptiens, puis menacé d'emporter leurs homologues libyens, syriens, yéménites ou bahreïnis, tous les regards se sont tournés, attentistes, vers l'Arabie saoudite. Poids lourd du monde arabe, terriblement rétrograde, sans espace de liberté, avec une population jeune et de nombreux pauvres en dépit de ses fabuleuses richesses pétrolières, le royaume semblait un bon candidat pour une explosion révolutionnaire. Il n'en a rien été. Non seulement l'alliance multi-séculaire entre la famille régnante et le clergé wahhabite a fonctionné à plein pour neutraliser toute velléité de contestation, mais l'appareil d'État n'a pas flanché, réprimant dans l'œuf les timides tentatives de manifestation ou de contestation. Et, afin de ne rien laisser au hasard, le roi Abdullah, 87 ans, a ouvert les cordons de la bourse pour injecter près de 100 milliards d'euros pour augmenter les salaires des fonctionnaires, entamer la construction de 500.000 nouveaux logements, soulager les dettes des étudiants et des chômeurs et, bien entendu, augmenter le budget de la police religieuse.
Et cela a marché. Ces dépenses extraordinaires et parfaitement clientélistes (les forces de sécurité, le clergé et les fonctionnaires sont ceux qui en bénéficient le plus), alliées à des menaces dirigées contre tous ceux qui feraient part de leur mécontentement avec un peu trop de vivacité, ont incité les gens à rester chez eux – une fatwa a même été édictée en mars pour qualifier d'anti-islamiques les appels à manifester. Malgré le Produit national brut par habitant le plus faible de tous les pays du golfe Persique, malgré un âge moyen de la population estimé à 25 ans (il est de 40 ans en France), malgré un taux de chômage des jeunes autour de 40%, malgré un taux de pénétration d'internet élevé (le double de l'Egypte), malgré une éducation de masse, malgré une modernisation galopante qui entre de plus en plus en conflit avec l'islam wahhabite, malgré des voisins pris dans la tourmente… l'Arabie saoudite n'a pas bougé.
via www.mediapart.fr