Bon, c'est là que ça commence à sentir le roussi. Les pauvres, les précaires, tout ça, c'est pénible. En fait, ne devraient travailler que les gens qui ont les moyens de le faire. Parce qu'il y a du travail, mais pas d'emploi. Rémunéré, j'entends.
Du moins, il faut attendre. Entre trois et cinq ans, la dernière option s'étant généralisée depuis « la crise ». Les DRH vous le diront tous, il faut cinq ans d'expérience en moyenne pour
obtenir, en qualité de « débutant », son premier emploi durable. Ce dernier s'obtient aujourd'hui en France, en moyenne, à 28 ans, comme le rappelle la sociologie Camille Peugny dans son livre « Le Déclassement ».Manager, chefs de projet, consultant : ils l'ont été lors de leurs stages
« La crise » ! Notre anonyme ne doit même pas savoir avec quelle terreur elle est perçue par nos petits précaires, en suspension quelque part entre études et sacro-saint contrat de travail. On leur explique qu'on évite les boulets inutiles, mais en même temps, on les rappelle pour être stagiaire en tant que chef de projet, business manager, chef de produit marketing, chargé du recrutement ou consultant.
Et oui, pour votre gouverne, on peut être stagiaire responsable du recrutement de 600 personnes. Par ailleurs, on peut être consultant en tout : SSII, business intelligence, pots de fleurs, propriété industrielle, c'est d'une richesse sans fin, le consulting.
Par voie de conséquence, un petit loup ne comprend pas qu'après avoir été, lors d'un stage, manager de cinq personnes et chef de projet payé 400 euros, on ne veuille pas même lui refiler un CDD pour la même chose, lui qui l'a déjà un peu fait et commence à avoir ses marques. D'accord, son expérience n'est pas sans failles, mais la formation, c'est tout au long de la vie, on le lui a seriné à l'école, et ses parents ont pu changer de voie et monter en grade sans que ça semble poser problème.
On me rappelle dans les cinq minutes, c'est jamais bon signe
Pour le néo-entrepreneur, il faut avoir l'enthousiasme de la jeunesse sans sa prétention, mais aussi l'expérience et la sagesse du senior. Et accepter de ne pas être intégré à l'effectif de l'entreprise, donc être externalisé, que ce soit en tant que stagiaire ou comme autoentrepreneur.
Il y a à peine quinze jours, je réponds à une annonce. Vous allez me dire que je suis une sale assistée, que je réponds à une annonce au lieu de faire des candidatures spontanées ou de me déclarer autoentrepreneuse… (Entrepreneuse en quoi, ben en rien, juste pour dire que je suis une entrepreneuse de moi-même.)
Etaient proposés dix-huit mois dans un secteur porteur, avec des missions qui semblaient pas mal, la personne recrutée devant prendre la tête d'un département en cours de création.
On me rappelle dans les cinq minutes, et ça, c'est toujours signe que quelque chose cloche. Discours dithyrambique au téléphone, tout ça pour me demander de me rencontrer très vite. Je suis déjà un vieux singe, alors mes alarmes intérieures commencent à clignoter. Non sans raison, car à la fin, la personne m'annonce très décontractée :
« Nous avons omis de mentionner dans l'annonce que c'est un stage, vous n'avez pas été trop induite en erreur, c'est bien ce que vous recherchez ? »
Bien sûr coco, deux ans de stage et deux ans de CDD, je parle quatre langues et je vais faire le tiers de ton chiffre d'affaires pour 400 boules par mois, mais tu m'as prise pour qui ?
On fait miroiter des fourchettes de salaires invraisemblables
Ben, en fait, tout simplement pour un de ces jeunes un peu bêtes, qui on enchaîné les stages et les jobs dans leurs études, et qui d'un coup, paf, se retrouvent pantois sur le marché du travail.
On le
via eco.rue89.com