La quintessence de Bernard Lavilliers, « Idées noires », « Betty » – Libération

Bonne année et surtout pas la Santé ! Ni les Baumettes !» La blague fait encore rire Bernard Lavilliers. Entre nous, quarante ans de routes entremêlées, de Rombas (en Moselle) à Kingston (Jamaïque), de Paris Chinatown à Vientiane (Laos), de La Nouvelle-Orléans à Gao (Mali). Quarante ans d’histoires au comptoir, vraies ? Pas vraies ? Simplement racontées avec la sincérité d’aveux enfantins. Et autant de secrets adultes. Quarante ans de connaissances communes croisées ici et là, parfois prématurément arrachées à l’affection des leurs par une giboulée de gnole. Ou de poudre. Ou de plomb.

Aujourd’hui, la partie se joue chez Lavilliers, «Mister Bee» selon le répondeur, au lendemain des vœux et à la veille de reprendre la route (1). Au programme, le dessous des cartes de cinq chansons jalons. Cinq titres qui ont illuminé sa carrière. En langage marketing, le making of pas très off d’un best of. Et ça nous fait rire.

«Angola» (2010) L’écho d’une plainte

Bingo couronné cette année aux victoires de la musique, mais mijoté depuis une éternité.

«Je voulais enregistrer ce titre après avoir entendu Bonga le chanter en 1972 au Discophage, minuscule boîte latino de la rue des Ecoles à Paris, où le patron servait une caïpirinha qui rendait à moitié aveugle. C’était une sorte de couloir doté d’une fausse issue de secours en trompe-l’œil. Dans les vapeurs de feijoa [plat traditionnel brésilien], on y croisait Chico Buarque, les Etoiles, des musiciens angolais et puis Françoise Hardy ou Françoise Sagan. Au fil du temps, grâce à sa voix qui chaloupe le blues, Bonga est devenu une star en Afrique, au Brésil, au Portugal, dans les Caraïbes. On oublie trop souvent qu’un chanteur doit posséder avant tout une voix. Au minimum, un timbre comme Gainsbourg. A la manière de Joe Cocker, Bonga possède la voix, le timbre et le souffle. Lorsque nous nous sommes revus voilà deux ans au Portugal, tout en jugeant le morceau trop ancien, il m’a traduit le texte marqué par la guerre civile, un divorce, une fuite. Une chanson de mémoire. Je m’en suis inspiré sur un arrangement d’une grande simplicité avant de le persuader d’enregistrer un duo où je lui laisse beaucoup de place. A la limite, je ne suis que l’écho de sa plainte. Dans ce métier, il faut être patient ; ce qui n’est pas ma qualité première. J’espère seulement populariser en France une chanson magnifique et qu’il sera présent, comme promis, sur la scène de l’Olympia.»

«Les Mains d’or» (1998) L’aristocratie ouvrière

Uckange, Florange, Thionville… Le ciel oranger s’est éteint sur la vallée de la Fensch. On a perdu le tempo du marteau et de la bière Henri-Funck.

«Tout est parti d’une mélodie nostalgique composée par le guitariste Pascal Arroyo. Trois accords fondamentaux ponctués des ruptures. Impossible d’écrire sans une mélodie qui me parle. Et celle-ci me parlait du travail, de la tristesse, de la volonté de ne pas crever. Il ne s’agit pas d’un texte inspiré par l’air du temps mais par la musique. Réellement. Une chanson d’une grande douceur, ni vulgaire ni populiste, imprégnée de la douleur ressentie par l’ensemble de la population, pas seulement les ouvriers, au moment où tout s’est écroulé en Lorraine. Le travail constituait la récompense de l’honnête homme. Et pourtant, le laminoir, pfuuuu… pas une sinécure. Un boulot physiquement épuisant, dangereux, mais qui rassemblait l’aristocratie de la classe ouvrière. Partir du minerai pour en faire de l’acier relève du travail entier, marque le début d’une chaîne. On me demande parfois pourquoi les métallos ne sont pas partis ? Comme s’ils étaient marins… Lorsque le haut-fourneau s’est éteint, le pays est mort, les gars ont sombré, alcool ou dépression. Un succès pas évident au départ alors qu’aujourd’hui le public connaît les paroles par cœur.»

via www.liberation.fr



Betty
envoyé par gaston7777. – Regardez la dernière sélection musicale.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
2 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
CBT
CBT
14 années il y a

Merci de nous avoir fait partager cet extrait d’article! J’en avais lu le début sur Libé et aie eu la désagréable surprise de voir que si je voulais lire la suite il fallait payer un abonnement de pas moins 6 € par mois…frustrant quand on est limité financièrement ! Donc, merci encore ! Une petite question : La suite de l’article ne mentionne pas d’explication de la part de Bernard sur le morceau « sourire en coin » ?!!! Merci pour la réponse éventuelle mais merci encore bien chaleureusement pour ce geste ! 🙂

grellety
grellety
14 années il y a

Je vous ai répondu sur votre site.

Translate »
2
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x