Après l’agitation médiatique et politique sur l’impunité policière outre-Atlantique, des élus, des universitaires et des acteurs associatifs rappellent qu'on « recense en moyenne un mort par mois des suites d’un contrôle d’identité ou d’une interpellation policière » en France. « Aujourd’hui plus qu’hier, nous nous demandons si ceux qui ont partagé notre colère et notre détermination deviennent sourds, muets et immobiles lorsqu’ils atteignent les plus hauts sommets du pouvoir. »
L’impunité policière aux Etats-Unis a ému. Elle a ému la France entière, ses représentants politiques, ses médias. Tous ont dénoncé des « crimes racistes » scandaleux, à l’image de la fracture raciale du pays ; tous ont condamné cette « justice à deux vitesses », signe d’un pays qui va mal et dont la société est la triste et passive héritière de l’ère esclavagiste, puis ségrégationniste.
Nous aurions aimé nous prévaloir de la couverture médiatique pour une fois explicite sur le sujet, pouvoir être fiers de nos représentants de tant s’indigner. De tant avoir à dire. Nous aurions aimé pouvoir nous indigner avec eux, et faire corps face à une injustice si flagrante, si violente, si destructrice.
Seulement voilà, l’agitation médiatique et politique sur l’impunité policière outre-Atlantique n’a d’égal que le silence entourant l’impunité policière en France. On l’oublierait presque ces temps-ci, tant la mort d’un jeune botaniste blanc et engagé a créé des remous, mais il est rare, très rare, que les décès liés à des interventions policières génèrent de l’intérêt médiatique, politique et/ou judiciaire. Ce sont des morts silencieuses, des morts muselées sous peine de donner à voir les penchants racistes de nos institutions pour lesquelles le non-blanc est toujours présumé coupable… parfois même de sa propre mort.
Rien d’étonnant donc à ce que nos concitoyens ignorent que, depuis des décennies, on recense en moyenne un mort par mois des suites d’un contrôle d’identité ou d’une interpellation policière. Année particulièrement meurtrière, depuis le mois d’août 2014, ils sont déjà 9 à avoir péri sous les coups de poings, de balles ou de Taser des forces de l’ordre.
Et cette réalité-là fait mal.
Elle fait mal aux victimes de violences policières et à leurs familles, à toutes celles et ceux qui ont perdu des proches et qui entendent le ministre de l’Intérieur rabâcher que les policiers et les gendarmes sont « de grands républicains », qu’ils sont exemplaires.
Elle fait mal aux membres de la société civile, acteurs associatifs et chercheurs, qui ont espéré le changement promis et qui ont voulu, en célébrant notamment l’arrivée d’une grande militante au ministère de la Justice, croire qu’il y aurait, au moins sur ces questions, un travail de fond, une avancée.
Elle fait mal aux Français qui se demandent si leur vie, à eux, vaut une vie américaine.
A la veille de l’anniversaire de la mort de Malik Oussékine, tabassé par des policiers alors qu’il rentrait d’un club de jazz le 6 décembre 1986, le constat est amer. Aujourd’hui comme hier, en France comme aux Etats-Unis, la police tue, en toute impunité, des noirs, des Arabes, des Rroms, des jeunes et moins jeunes, militants comme simple passants, habitants de quartiers populaires, dans l’hexagone comme dans les DOM-TOM. Aujourd’hui comme hier, ici comme là-bas, nous sommes en colère, nous sommes en deuil.
Mais aujourd’hui plus qu’hier, nous nous demandons si ceux qui ont partagé nos larmes et notre douleur, notre colère et notre détermination, deviennent sourds, muets et immobiles lorsqu’ils atteignent les plus hauts sommets du pouvoir ;
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