La lutte sans fin de villageois polonais contre un géant du gaz de schiste – Libération

Hasard du calendrier, au même moment, dans la campagne polonaise, à quelques roues de tracteur de la frontière ukrainienne, l’industrie des gaz de schiste est aussi à l’offensive. Là même où des villageois, que l’eurodéputé Vert José Bové avait rencontrés il y a pile deux ans, avaient cru avoir remporté une bataille contre le géant américain Chevron. Et ce au bout d’une année de lutte acharnée, filmée par le réalisateur britannique d’origine polonaise Lech Kowalski, qui avait fait l’objet d’un documentaire diffusé sur Arte le 28 janvier dernier, La malédiction du gaz de schiste. «Je vous ai compris, je renonce à forer sur vos terres», avait dit Chevron en langage administratif, la main sur le cœur.

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Las, voilà que ce lundi 3 juin, à 6 heures du matin, des véhicules du pétrolier déboulent sur le champ convoité deux ans auparavant. Des gamins qui passent à vélo à proximité pour se rendre à l’école donnent l’alerte. Les villageois de Rogow et de Zurawlow accourent. Ils apprennent que Chevron veut clôturer la parcelle de 2,7 hectares de terre agricole qu’il a louée et y installer générateur électrique, éclairage et baraque de chantier. Tension. Une des protagonistes du film d’Arte, Barbara, s’interpose devant une voiture. Le chauffeur de Chevron ne ralentit pas, elle est blessée à la jambe.

Le cinéaste Lech Kowalski est appelé à la rescousse. A peine de retour à Paris (où il habite), après avoir présenté son film au festival de Cracovie, celui-ci saute dans un avion et les rejoint. Depuis, il filme et tweete en direct l’évolution de la situation. Car la mobilisation des paysans ne faiblit pas. Depuis six jours, environ 300 d’entre-eux se relaient pour être toujours présents sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre. «Ils ont monté une grande tente, préparent de la soupe au chou sur une cuisinière de la Seconde Guerre mondiale, ont installé une table sur laquelle trône un vase dont les fleurs des champs sont changées chaque jour», raconte Lech Kowalski, joint vendredi au téléphone par Libération. «Les plus remontées sont les vieilles femmes de 65-70 ans, qui pourchassent les hommes de Chevron avec des bâtons, au point que les autres villageois sont obligés de les calmer pour éviter tout incident», poursuit-il.

Lech Kowalski avec les villageois.

Lech Kowalski avec les villageois. (Photo Marcin Latanik. Revoltcinema)

Face à eux, une trentaine d’ouvriers, une poignée de vigiles habillés de noir et deux cameramen employés par la firme pétrolière. «C’est absurde, nous nous filmons les uns les autres !», rigole Kowalski. «C’est une vraie guerre médiatique.» Les paysans ont réussi à projeter son film sous-titré en polonais, dans le champ, à la belle étoile, avec un groupe électrogène et un vidéoprojecteur. La plupart ne l’avaient pas vu, car aucun média polonais ne souhaite le diffuser. Et les salles de cinéma et centres culturels du coin ont refusé d’organiser des projections. «Par peur de représailles», dit le réalisateur, qui a dû batailler ferme pour que son film soit au programme du festival de Cracovie.

«Chevron s'acharne»

via www.liberation.fr

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