La papeterie sauvée par une «départementalisation»
La mairie à colombages du petit village de 1 500 habitants pavoise avec sur son fronton : «Alizay salue la victoire des M-Real.» Rendez-vous jeudi pour fêter ça à la salle polyvalente, convie le maire, Gaëtan Levitre, PCF. Le conseil général de l’Eure a mouillé sa chemise et voté à l’unanimité, le 11 décembre, la reprise de la papeterie pour 22,2 millions d’euros. Une prise de contrôle temporaire, pour revendre la plus grande partie du site, 15 millions, au papetier thaïlandais Double A, et la centrale biomasse pour 3 millions au producteur d’électricité et de chaleur français Neoen. Le troisième lot, de 28 hectares, sera remis à un établissement foncier pour un port fluvial en bord de Seine.
Ce lundi 17 décembre, une centaine de personnes sont rassemblées devant M-Real pour une assemblée générale. Même le successeur de Bernard Thibault, Thierry Le Paon, a fait le trajet depuis Paris pour donner du lustre au moment. Dans l’auditorium comble, on attend comme des héros les trois syndicalistes CGT et CGC qui n’ont jamais lâché. «On avait juré que l’usine repartirait, entame Thierry Philippot, CGT, ému aux larmes. Notre histoire restera dans le livre des luttes sociales de ce pays.» Dénouement heureux de six mois de négociations, depuis l’arrêt de la papeterie en avril – «330 salariés dehors, 550 avec les sous-traitants». Le bras de fer dure en réalité depuis six ans : depuis le premier PSE en 2006, l’arrêt de la pâte à papier en 2009, suivi du plan social de 2011. Les six derniers mois ont été intensifs pour fédérer les énergies. «Les bûcherons [le propriétaire finlandais, Metsa Board, ndlr] n’avaient pas l’intention de vendre, on l’a obtenu par la force.» Et le seul moyen de concilier le propriétaire et l’acquéreur Double A, fâchés, c’était de passer par l’Etat. «Votre lutte est exemplaire, adresse Thierry Le Paon. Il est des jours où on peut dire victoire dans l’attente de revoir la fumée des cheminées.» L’occasion aussi de marteler que de nouveaux droits doivent être donnés aux salariés.
Le local syndical, situé près du portail qui mène aux deux chaudières culminant à plus de 70 mètres au-dessus de la vallée de l’Andelle, a connu des journées homériques. Une fourmilière où circule Jean-Yves Le Mahieu, l’autre délégué CGT, avec sa grande barbe blanche, ses bagues et ses tatouages. «On n’est pas tout à fait au bout du tunnel», préfère-t-il énoncer, dans l’attente de la signature définitive, vers le 15 janvier, et des conditions d’embauche. Le Mahieu bossait sur l’extrémité de «la machine», à la bobineuse. A M-Real, un des repères chronologiques, c’est la construction en 1991 de cet immense engin de 114 mètres de long, un des plus grands en Europe. Il y a ceux qui ont connu le chantier, et ceux qui sont venus après. A un bout arrivait la pâte à papier, de l’autre sortaient les feuilles sur les mandrins. «Elle n’est pas obsolète, lâche Le Mahieu, c’est une des raisons pour lesquelles on s’est battus.» Avant, le site partait du copeau de bois jusqu’à la ramette de A4, 800 tonnes de papier par jour. «Quand ils ont fermé la partie pâte en 2009, relate un ouvrier, c’était comme couper la branche morte pour sauver l’arbre, mais on sentait que cela sonnait la mort annoncée du site.» Tout l’arsenal possible a été dégainé à M-Real. Les conseils général et régional ont financé une étude d’un spécialiste du papier, le Pr Lachenal, qui proposait des solutions alternatives, comme la production de bioéthanol ou de pâte à papier textile. En vain. Un vœu d’expropriation, suggéré par le PC et le NPA, a même été voté et une procédure a été menée jusqu’à la Commission eu
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