La destruction de l’Education Nationale «L’éducation, un investissement qui a de super rendements» – Libération

Eric Maurin (1), directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), revient sur la politique de réduction de postes dans l’Education nationale.

L’argument selon lequel on peut «faire mieux avec moins» est-il fondé scientifiquement ?

C’est un débat récurrent, en France comme ailleurs, avec notamment la question de la taille des classes. Obtient-on de meilleurs résultats en diminuant les effectifs par classe ? Dans l’idéal, il faudrait pouvoir mener des expériences contrôlées, en tirant au sort des classes où l’on aurait diminué les effectifs et d’autres où on les aurait laissés inchangés.

L’étude qui en France se rapproche le plus de cet idéal est celle menée en 2004 par Thomas Piketty (directeur d’études à l’EHESS et chroniqueur à Libération). Il trouve des améliorations sensibles de résultats dans le primaire lorsqu’on passe, par exemple, de 22 élèves à 17. Plus récemment, Mathieu Valdenaire, un jeune chercheur, a élargi cette étude au collège et au lycée. Les effets sont plus faibles, mais restent bien réels.

On dispose aussi d’études plus pessimistes, comme celle menée par Francis Kramarz et ses collègues de l’Insee sur les zones d’éducation prioritaire (ZEP). Ils ont comparé les performances d’élèves venant de passer en ZEP avec celles d’élèves restés hors ZEP. A la question de savoir si l’écart entre les deux s’était réduit grâce au surcroît de moyens en ZEP (classes plus petites, primes pour les profs), ils n’ont rien constaté. Cela peut sembler démoralisant. En réalité, cela s’explique assez bien. D’une part, le surcroît de ressources en ZEP n’est pas gigantesque, d’environ 10%. D’autre part, lorsqu’on labellise une école ZEP, nombre d’enseignants expérimentés partent, le turnover augmente et l’ancienneté des profs diminue brutalement. En plus, le contexte social de la zone classée ZEP se détériore : les classes moyennes ne viennent plus s’y installer. Au total, le véritable surcroît de ressources en ZEP est proche de zéro et il n’y a donc rien d’étonnant à ce que cette politique n’ait en moyenne pas d’effet repérable. Le problème est qu’en France, les politiques «ciblées» – allouant des moyens supplémentaires aux établissements les plus en difficulté – sont trop timides. Il faudrait passer à des initiatives plus temporaires, mais plus massives.

Diminuer la taille des classes ne servirait à rien ?

La taille des classes compte, mais il ne faut pas que la baisse soit marginale. Pour que les performances des élèves s’améliorent, il ne suffit pas de faire passer leur nombre de 23 à 22 avec des professeurs inexpérimentés, mais il faut passer de 23 à 17 en gardant les mêmes profs. Il n’y a toutefois pas de vérité universelle : ce qui marche en France peut ne pas marcher dans d’autres systèmes avec des relations pédagogiques différentes.

Le gouvernement estime aussi que le fait d’avoir rajouté des moyens n’a pas empêché l’école de se dégrader.

Il y a eu des périodes où les moyens ont beaucoup augmenté et le bilan est tout à fait honorable. De la fin des années 80 au début des années 90 par exemple, face à l’extension du chômage de masse, la gauche a d’abord misé sur l’éducation. Cela s’est traduit par une vraie politique de moyens, les dépenses d’éducation augmentant au rythme de 5% par an entre 1987 et 1993, contre 1 à 2% jusqu’alors. C’est l’époque où l’on crée les bacs professionnels, double les places en section de technicien supérieur (STS) et en institut universitaire de technologie (IUT), où l’on achève la mise en place du collège unique. Cela s’est arrêté en 1993, avec la grande récession et l’apparition d’un chômage des diplômés. Il s’en est alors suivi une perte de confiance complète dans cette politique de moyens, sur le thème : à quoi sert de mettre tant d’argent dans l’école pour en arriver là ?

Grâce

via www.liberation.fr

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