Cet après-midi, elle grille des clopes, se caresse le ventre et cause. Franche et intarissable. Le démarrage de la tournée approche. Mais avant, Juliette s’est programmée une semaine de relâche à titiller PlayStation et Xbox. L’ami François Morel, qui partage vin, scène et chansons avec elle, trouve que «Juliette s’est adoucie» depuis quinze ans qu’il la côtoie. «Elle est amoureuse et heureuse avec sa nouvelle amie.» Mais il serait vain de croire que la frondeuse a rabaissé son caquet pour passer sous les fourches caudines du marché. Elle se «méfie des gens qui deviennent très célèbres».Les vingt ans de carrière, les deux victoires de la musique, la dizaine d’albums et les milliers de concerts n’ont pas eu raison d’un caractère hors pair et d’une carrière hors norme. Télés et radios boudent encore sa chanson-théâtre peu formatée pour du temps de cerveau limité. Elle remplit les salles avec des spectacles qui éclipsent ses disques. «C’est idiot d’avoir la nostalgie de Ferré ou de Brel quand on voit ses concerts qui sont de vrais spectacles», savoure François Morel. «Ce sont les aspérités qui font la force. Or dans notre société, il ne faut pas qu’un truc dépasse», note Juliette qui en a pris son parti. Car la conteuse férue de littérature du XIXe, de latin, mais aussi de «chansons cons», est restée en marge des chanteuses à concept et des starlettes filiformes et filet de voix. «Elle a toujours veillé à mettre aussi bien en avant le texte que la musique, analyse Franck Steckar, bras droit et directeur musical. Sans jamais faire de concessions, elle a pu séduire un major [Polydor, Universal, ndlr]et un public grandissant tout en faisant du Juliette.»
Le rire est sa soupape. Elle moque les bobos, les machos, les écolos. Mais pas les cocos. Pourtant pas compagnonne de route, elle n’a jamais fait part de doutes quant à son ancrage rouge. «Même si l’on a vu ce qui se passait à l’Est, la réalité est qu’il y a toujours des gens qui n’ont aucun moyen de se sortir d’un milieu social. C’est voulu. On continue d’envoyer les jeunes professeurs dans les lycées de banlieue alors que l’on devrait y expédier les meilleurs. Mais on le fait exprès, non ? Comme ça, on ne vous apprend pas à mettre un bulletin dans l’urne.» Mélenchon, son «ego surdimensionné» et sa «hargne permanente» la fatiguent. Aux législatives, elle est radicale. A la présidentielle, c’est «vote utile et PS sans hésiter». Elle a soutenu Royal en 2007. «Surtout parce que plein de gens se sont dits : "On ne va pas voter pour une bonne femme."» Elle scrute la société française en croqueuse d’histoires. Et s’agace : «La crise des idéologies et son remplacement par la croyance, c’est une belle affaire pour les tenants du libéralisme. Il est plus facile de croire que de chercher à comprendre», dit cette athée patentée.
Femme de valeurs, plus que
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