«Informer n’est pas un délit» : un livre contre les censures – Page 1 | Mediapart

C’est une première en France. Seize journalistes ont décidé de raconter dans un livre collectif, Informer n’est pas un délit (Calmann-Lévy), dirigé par Fabrice Arfi (Mediapart) et Paul Moreira (agence Premières Lignes), les coulisses de certaines de leurs enquêtes célèbres et les embûches posées sur le chemin de la liberté d’informer.

Préfacé par la journaliste de France 2 Élise Lucet, présentatrice du magazine d’enquête Cash Investigation, l’ouvrage (la liste complète des auteurs figure sous l'onglet Boîte noire) aborde toutes les facettes de ces nouvelles censures qui font de la France une démocratie ni adulte ni protectrice sur le terrain du droit de savoir des citoyens : espionnage, menaces, pressions, harcèlement judiciaire, contournement du droit de la presse, secret défense, secret des affaires, poids des lobbys…

À l’occasion de la parution de l’ouvrage, qui sera en librairie ce mercredi 30 septembre, Mediapart publie le chapitre rédigé par Paul Moreira, qui démonte ce culte du secret si français qui empêche un véritable accès aux documents administratifs. Cet accès existe depuis des décennies en Suède, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Sans que ces pays ne se soient soudainement transformés en dictatures de la transparence…



De la liberté d’informer
Par Paul Moreira

Je me souviens précisément du ton de voix technique et précis de la responsable de la communication de cette multinationale du tabac. Je l’appelais pour lui dire que j’avais découvert des éléments gênants pour son entreprise. Notamment le fait qu’ils continuaient à cibler les jeunes de manière furtive et illégale. Je sollicitais, sans grand espoir, leur réaction. Elle m’avait écouté avec une politesse impeccable, puis elle m’avait demandé mon mail. Elle l’avait copié en épelant soigneusement chaque lettre. Puis elle avait vérifié. Je ne pensais pas qu’ils me donneraient une interview. Néanmoins, elle se concentrait sur l’exactitude de ce qu’elle notait.

Journalistes et lanceurs d’alerte vivent avec la possibilité permanente de voir leurs fichiers et le contenu de leurs mails visités. Pas seulement par la NSA. J’ai appris lors d’enquêtes auprès des vendeurs d’armes électroniques qu’il n’est plus réservé aux services secrets de pénétrer les systèmes informatiques, d’observer ce que contient un ordinateur. Le marché est désormais ouvert aux privés. Chaque communication électronique avec des géants économiques nous met en état d’insécurité. Peuvent-ils cracker mon ordinateur ? Mon téléphone ? Oui, ils le peuvent. Vont-ils le faire ? La menace plane sans cesse.

Aujourd’hui, la transparence est une arme presque exclusivement aux mains des pouvoirs économiques ou politiques. Le citoyen, journaliste ou lanceur d’alerte, n’a jamais été aussi vulnérable. Le droit à l’information, lui, est sans cesse contesté.

Nicolas Sarkozy le clame, sur Twitter : « Quand j’appelle à mettre fin à la dictature de la transparence absolue, je défends la République » (tweet du 10 novembre 2014). Autrement dit : moins le public en sait, mieux la démocratie se porte. Bien avant Sarko, Big Brother, ce dirigeant visionnaire et bienveillant façonné par George Orwell, nous l’expliquait dans 1984 : « L’ignorance, c’est la force. » L’ancien président, objet de multiples enquêtes (judiciaires et journalistiques), aimerait convaincre que les journalistes bénéficient d’un pouvoir de transparence tel qu’il confine à celui d’une police politique.

À l’agence Premières Lignes, l’un de

via www.mediapart.fr

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