Au Japon, l’extrême droite et les nostalgiques de l’Empire sont au pouvoir – Page 1 | Mediapart

De notre envoyé spécial à Tokyo (Japon).- Ils débarquent par cars entiers, en longues files endimanchées trottinant derrière un guide et son petit drapeau. Des Japonais souvent âgés, qui viennent se recueillir – courte prière mains jointes, conclue par une piécette jetée devant l’autel – au sein du sanctuaire shintoïste Yasukuni, en plein cœur de Tokyo. En ce haut lieu du patriotisme nippon sont honorés les 2,5 millions de soldats tombés au combat pour le Japon depuis le XIXe siècle – mais aussi 14 criminels de guerre de « classe A » condamnés par le tribunal de Tokyo à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Après les hommages, l’instruction : les flots de visiteurs s’engouffrent, guillerets et bavards, dans le musée Yushukan situé dans l’enceinte du sanctuaire. On y défend une version révisionniste de l’histoire militaire japonaise. Sont exposés de grandes fresques héroïques, des lettres d’adieu de soldats, un chasseur Zéro et une torpille-kamikaze… La brutale expansion coloniale de l’Empire japonais au début du XXe siècle y est présentée comme une guerre de libération des peuples asiatiques face à l’impérialisme occidental. Pearl Harbor : une attaque que les tentatives américaines de couper l’accès du Japon à des ressources naturelles ont rendu inévitable. Le Yushukan glorifie l’esprit de sacrifice des kamikazes. Mais ne dit pas un mot sur les massacres et les viols de masse perpétrés par les soldats nippons à Nankin (1937), les expérimentations humaines de la terrifiante unité 731 ou les 200 000 « femmes de réconfort », en majorité coréennes, envoyées de force dans les bordels de campagne de l’armée impériale.

C’est dans ce sanctuaire controversé que trois ministres et plusieurs représentants du gouvernement sont venus se recueillir, le 15 août 2015. Le premier ministre Shinzo Abe, craignant une nouvelle flambée de protestations des pays voisins, s’est contenté d’y envoyer une offrande. C’est aussi à Yasukuni que s’est rendu Jean-Marie Le Pen en 2010, accompagné d’éminents représentants de l’extrême droite européenne.

La version négationniste de l’Histoire présentée au Yushukan correspond trait pour trait à celle épousée par Shinzo Abe, dont les prises de position sont symptomatiques d’un basculement à droite du discours dominant au Japon. Dans son allocution prononcée le 14 août, le premier ministre exprimait certes des « regrets » pour les souffrances causées par la guerre… mais il réitérait aussi en filigrane sa vision révisionniste.

Le musée du YushukanLe musée du Yushukan © Yasukuni Shrine

Shinzo Abe est un nostalgique de l’Empire qui ne cache pas son admiration pour son grand-père, Nobusuke Kishi, ministre des munitions du cabinet de guerre de l’amiral Tojo. Inculpé pour crime de guerre, emprisonné pendant deux ans, Kishi n’a jamais été jugé et est même devenu premier ministre de 1957 à 1960. « Kishi a été sauvé par les Américains qui voulaient faire du Japon une forteresse contre le communisme. Ils ont sorti de prison les criminels de guerre, qui étaient nationalistes et anticommunistes, explique Nobutaka Miura, professeur émérite de l’université Chûô et auteur d’études comparatives France-Japon. Abe veut aujourd’hui accomplir ce que son grand-père n’a pas pu faire. » C’est-à-dire se débarrasser de la Constitution pa

via www.mediapart.fr

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Translate »
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x