Quelques bureaux au fond d’un couloir, dans un immeuble à façade de verre. De tous les lobbys qui font le charme très particulier de Washington, ce n’est certainement pas le plus riche ni le plus influent. Mais il ne cède en rien en enthousiasme, ou parfois même en fanatisme, aux églises et marchands, qui, tous ici, ont une cause pressante à promouvoir. Au pays du «peuple élu», où Dieu est invoqué jusque sur les billets de banque, les non-croyants ont maintenant un lobby bien organisé et de plus en plus remuant. La cause athée, agnostique et humaniste, sera «le prochain grand mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis», après ceux des femmes, des Noirs ou des homosexuels, veut croire l’un de ses mécènes, Todd Stiefel, millionnaire qui y investit une bonne partie de sa fortune.
Un «mur de séparation» entre l’Etat et les Eglises
Dans tout le pays, des centaines de clubs athées se sont formés, dans les universités, sur Facebook ou jusque dans les rangs de l’armée, coiffés au niveau national par une «Secular Coalition for America» (Coalition laïque pour l’Amérique), chargée de harceler les élus et de rappeler : Thomas Jefferson lui-même (troisième président des Etats-Unis) souhaitait ériger un «mur de séparation» entre l’Etat et les Eglises.
Dès l’âge de 8 ou 9 ans, Amanda Knief commençait à soupçonner que «Dieu, c’est naze». Dans son église méthodiste, des missionnaires étaient venus raconter que des enfants mouraient de faim en Afrique. Et les bébés qui n’ont pas encore été informés de la présence de Dieu, avait-elle demandé, ils n’iront pas au paradis ? Non, pas de paradis pour ceux qui ne connaissent pas Jésus, lui avait-on répondu. Plus tard, Amanda n’a pas apprécié d’entendre des gens d’Eglise déclarer que le sida est une «punition divine» pour les homosexuels. Le coup de trop, celui qui a fait d’elle une militante, a été de découvrir au Parlement de l’Iowa, où elle travaillait après ses études de droit, que toutes les sessions devaient débuter par une prière. «J’étais tellement énervée, raconte-t-elle, que j’ai eu besoin de me retrouver avec d’autres gens qui pensaient comme moi, et nous avons fondé un groupe athée.»
De choc en déception, Amanda Knief est ainsi devenue lobbyiste à Washington pour la Coalition laïque d’Amérique. Son travail consiste à passer au crible tous les projets de loi ou régulation, pour s’assurer qu’ils ne privilégient pas les organisations religieuses, et à décrocher des rendez-vous avec les élus. «Ce n’est pas toujours simple, avoue Amanda. Par certains côtés, notre tâche est même encore plus difficile que celle des mouvements des droits civiques qui nous ont précédés, comme les gays. Eux au moins ne voyaient pas leur patriotisme remis en cause. Nous, on s’entend dire : "Si tu ne crois pas en Dieu, comment peux-tu croire en ce pays ?" ou "Va donc en Europe !"»
Reconnus par Obama
Une récente enquête de l’institut Gallup a montré que les athées ou agnostiques ne représentent que 7 ou 8% de la population américaine. A la question : «Croyez-vous en Dieu ?», 92% des Américains répondent «oui», 7% «non» et 1% n’ont «pas d’opinion». Mais le nombre de ceux qui osent refuser Dieu est en «constante augmentation», se rassurent les militants. En 1967, 1% seulement des Américains avouaient ne pas croire au Tout-Puissant.
Pour la première fois, avec Barack Obama, un président a reconnu, dès son discours inaugural, que les Etats-Unis sont une nation non seulement de chrétiens, musulmans, juifs ou hindous, mais aussi de «non-croyants».
«Sur ce point, Obama est le meilleur président que nous ayons eu ces dernières années, apprécie Amanda, la lobbyiste de la Coalition laïque. Notre communauté est enfin prise en considération. Mais nous sommes loin de recevoir autant d’attention que les comm
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