Giddens, vrai maître à penser de Manuel Valls | L’Humanité

« Valls fait du Valls. (…) Il est au pouvoir et entend profiter du pouvoir pour favoriser l’extension du vallsisme. La rénovation que la gauche n’a pas su conduire dans ses longues années d’opposition, il entend la mener depuis Matignon (…). Rien ne l’arrêtera… car le “Monsieur 5 %” de la primaire est devenu le premier ministre qui engrange quelque 60 % d’opinions favorables. Cela vaut tous les encouragements », écrivait Françoise Fressoz, chroniqueuse du Monde il y a peu. Vrai… en partie. « Il faut renoncer aux vieilles recettes, il faut redéfinir cette nouvelle société. L’incarnation de ces mots-là doit être faite par quelqu’un de la nouvelle génération », déclarait déjà notre homme en 2007 au Nouvel Économiste. Faux aussi, Valls ne fait pas que du Valls. Son inspirateur, son maître à penser, c’est Anthony Giddens. Il applique, avant tout, la ligne politique que celui-ci préconise.

Anthony Giddens ? C’est ce théoricien qui inspira la politique du New Labour à Tony Blair. Mais c’est aussi celui qui influença nombre de dirigeants européens classés à gauche, Gerhard Schröder par exemple. En bref, c’est l’un des théoriciens politiques majeurs du social-libéralisme. En quoi consiste cette théorie ? Il répondait à la question dans un numéro de la revue Nouvelles Fondations (1), en 2007 : « Une social-démocratie moderne doit s’appuyer sur un projet de gauche et du centre qui prend acte de ce que la classe ouvrière n’est plus qu’une minorité sur la scène politique et reconnaît en conséquence la nécessité de changer de conception des classes sociales. »

Et Anthony Giddens énumère les cinq principes qu’il considère communs aux partis sociaux-démocrates, que je résume ici en cinq points :

– Faire une analyse sociologique renouvelée et une alliance au centre ;

– Mettre fortement l’accent sur l’économie : au lieu de se concentrer sur le chômage, se concentrer sur l’emploi ;

– Investir dans les institutions publiques et les réformer avec un aspect clé : réformer l’État plutôt que de dépendre de lui ;

– Chercher à réduire les inégalités, mais en veillant surtout à ne pas freiner le dynamisme économique, et à ce que cela ne s’oppose pas à la compétitivité ;

– Élaborer des positions fermes sur les thématiques qui inquiètent les gens : immigration, crimes et identité nationale.

Pour lui, nous sommes maintenant entrés dans une économie de services. Il y a donc nécessité à changer de conception à propos des classes sociales. En conséquence, les lignes de fracture politique ne passent plus par les classes, mais entre « modernisateurs » et « traditionalistes ». Société de services et non plus société capitaliste ? Voilà une analyse sérieuse ! La France a été désindustrialisée, il y a eu les délocalisations. Pour ce chantre de l’économie de marché, de la globalisation et de la mondialisation, « en France (…) vous avez encore une gauche antiglobalisation ; il n’y a vraiment là aucun futur ». L’analyse des classes sociales s’arrête aux frontières des États. Les services à la personne, les chirurgiens, les personnels de santé, ceux des bureaux d’études (« une économie de services fondée sur la connaissance »), etc. : tous ces gens travaillent à mains nues et à cerveaux débridés. Les coiffeuses et les coiffeurs sans bigoudis ni ciseaux, les chirurgiens sans scalpels, les médecins sans administration d’aucun médicament et jugeant de votre tension en tâtant votre pouls, les bureaux d’études et la Sécurité sociale sans ordinateurs… C’est une blague, bien sûr ! Tous ces instruments se fabriquent… ailleurs, le plus souvent. Nous, nous sommes une société de services. De purs esprits sans besoins matériels.

Pourtant, c’est bien à l’échelle mondiale qu’il faut maintenant juger de l’état des classes sociales en général, et de la classe ouvrière en particulier. Jusqu’à preuve du contraire

via www.humanite.fr

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