« En Tunisie, les médias ne parlaient presque pas de politique. Depuis le 14 janvier [jour de la chute de Ben Ali, ndlr], on ne parle presque que de ça. Des journalistes issus de la presse sportive, de la mode ou de la presse people ont dû se convertir au débat politique en seulement quelques jours », résume Haythem El Mekki, un blogueur tunisien récemment recruté par radio Mozaïque, la première radio privée du pays.
La chute du régime a redonné aux journalistes tunisiens leur liberté d'expression. Mais les années de censure et le black-out médiatique lors de la Révolution ont laissé des traces. Les médias tunisiens sont aujourd'hui décrédibilisés au yeux d'une grande une partie de l'opinion publique.
Des dizaines de projets de création de nouveaux médias seraient en cours de lancement depuis le 14 janvier. Blogueurs, étudiants, journalistes : ils tentent de redessiner le paysage médiatique tunisien. A quelques mois des prochaines élections, ils ont à cœur de redonner du fond au débat publique et de participer au processus de transition démocratique.
A Tunis, nous avons rencontrés les porteurs de trois de ces projets de nouveaux médias.
Sophia, Tunisia Reporter Agency
Après l'immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, le 17 décembre dernier, le vent de contestation met plusieurs jours à gagner la capitale.
Photographe, Sophia Baraket est présente dès les premiers rassemblements à Tunis, sur la petite place Mohammed Ali, où siège la très contestée Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). « Un véritable goulet dans lequel s'entassaient jusqu'à 400 à 500 personnes, pour autant de policiers et de BOP [les très répressives brigade de l'ordre public, ndlr] », explique-t-elle.
Début janvier, les manifestations prennent de l'ampleur. Elles gagnent le terminus du métro, à quelques centaines de mètres de là, puis l'avenue Habib Bourguiba et la Kasbah.
Appareil photo à la main, Sophia couvre la révolution avec une trentaines d'autres blogueurs :
« On balançait l'information sur Facebook, Twitter tout au long de la journée. Soit directement sur place, soit en envoyant des SMS à ceux qui avaient une connexion.
On s'appelait entre nous pour vérifier les informations, puis on relayait. C'était dingue, je recevais des centaines de messages pour me demander d'ouvrir mon mur Facebook et de partager mes statuts. »
Un vrai besoin d'information
De cette couverture collective des événements nait l'idée d'une agence de presse qui rassemblerait des journalistes professionnels comme des blogueurs : Tunisia Reporters Agency.
Au lendemain de la chute de Ben Ali, Sophia quitte Tunis pour le Sud du pays, avec Olfa Riahi, une journaliste d'Express FM suspendue pour excès de zèle. C'est l'acte fondateur de l'agence, sur laquelle se greffe également Walid Sultan Midani, un développeur. Les photos et vidéos de leur périple sont publiées sur Facebook et
via www.rue89.com