Les pertinentes déclarations d'Eva Joly sur le 14-Juillet, qu'il faudrait démilitariser afin de le rendre au peuple, ont provoqué un double tollé. Celui de la droite extrême aujourd'hui au pouvoir qui dévoile, une nouvelle fois, sa dérive xénophobe en criant haro sur l'étrangère. Mais aussi celui de la gauche socialiste qui, avant de s'en solidariser face aux attaques, s'est empressée de critiquer la candidate écologiste caricaturée en naïve irresponsable. Retour sur un moment révélateur.
Bientôt, si notre vie publique continue de dévaler la pente à ce rythme, coincée entre une droite égarée qui assume sa xénophobie et une gauche frileuse qui oublie sa propre histoire, il deviendra subversif de chanter Georges Brassens. Par exemple, « La mauvaise réputation » qui donnait son nom au premier album du chanteur en 1952 et dont la deuxième strophe invite à flemmarder le jour du 14-Juillet, par résistance passive aux automatismes guerriers et aux conformismes nationalistes :
Le jour du Quatorze Juillet
Je reste dans mon lit douillet.
La musique qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En n'écoutant pas le clairon qui sonne.
Mais les braves gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Non les braves gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde me montre du doigt
Sauf les manchots, ça va de soi.Murés dans leurs certitudes recuites, indifférents à la vitalité et à la beauté du monde, haineux, peureux ou frileux, ces « braves gens » qui « n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux » sont de retour. Ils sont habités par la peur, peur de l'inédit, peur de l'imprévu, peur du changement. Peur de l'étranger bien sûr, mais aussi des voisins et des gamins, de tout ce qui ne leur ressemble pas, du différent et du dissident.
Ces « braves gens »-là n'ont pas de nationalité. Ils sont de partout, témoignant de ces temps où règnent encore la soumission et l'abêtissement. C'est d'ailleurs pourquoi la chanson du libertaire Brassens a fait le tour du monde et des langues. En 1969, elle valut à Paco Ibáñez, qui était cette semaine l'invité des Suds à Arles dont Mediapart est partenaire, d'être interdit de séjour dans l'Espagne du dictateur Franco :
via www.mediapart.fr