Les
relations entre les forces de l'ordre et la jeunesse seraient donc
l'une des causes des émeutes britanniques ?D'après les témoignages
sortis dans la presse britannique, il semblerait que nous soyons, en
Angleterre, dans des phénomènes de tensions extrêmes, de violences symboliques
ou réelles vis-à-vis des classes populaires, qui s'apparentent à la situation
française. Si des milliers et des milliers de gens se sentent concernés par la
mort d'un jeune dealer alors qu'eux-mêmes, ne sont pas forcément dealers, c'est
que le contentieux est très grave et le vécu quotidien vraiment
insupportable.De ce point de vue là, la
logique sécuritaire, qui fait de la police la quintessence de l'esprit de
l'État, semble avoir lieu aussi dans d'autres pays que la France, notamment en
Grande-Bretagne. Cela finit toujours mal. C'est également vrai en Chine, où il
y a eu quelques émeutes ces dernières semaines qui prouvent que les rapports
entre la population et la police ne sont pas bons.Les États, quelle que soit leur couleur
politique, sont aujourd'hui obligés de mener des politiques d'austérité. Ils finissent
par perdre leur légitimité en négligeant les intérêts de leur peuple. La
logique sécuritaire, c'est ça : une recherche de légitimité dans la peur,
dans l'affrontement, dans la tension.
La
manifestation monstre du 30 juin dernier contre la politique d'austérité du
gouvernement britannique peut-elle être interprétée comme un signe annonciateur
des événements actuels ?Dans les dernières heures de
la manifestation du 30 juin, on pouvait voir les prémisses de ce qui
se passe aujourd'hui. Cette manifestation s'est terminée dans l'affrontement,
ce qui est assez exceptionnel pour l'Angleterre. De la même façon, je mettrais
dans les signes annonciateurs les débordements des manifestations étudiantes,
et notamment la mise à sac du parti conservateur, au printemps.On a là, sur différents fronts sociaux, une incapacité à tenir un
dialogue politique de la part du pouvoir – ou une volonté, peut-être, de ne pas
le faire – qui conduit les gens à se faire entendre autrement. Ce qui est pour
l'instant un phénomène assez européen et qu'on ne retrouve pas ailleurs, c'est
la séparation des choses. Il y a, d'un côté, des étudiants qui se sont affrontés avec la
police pour s'opposer aux réformes universitaires britanniques et, d'un autre,
les émeutes de ces trois derniers jours. Ces deux événements apparaissent
encore, subjectivement et politiquement, au Royaume-Uni, comme des phénomènes
séparés. Ce qui n'était pas le cas en Tunisie, en Égypte ou au Sénégal. Dans
ces pays-là, une jonction s'est faite entre la jeunesse populaire la
plus pauvre et la jeunesse plus aisée.
via www.mediapart.fr